~ Chapitre 2 ~

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Le reste de la journée se passe aussi mal qu'elle a démarré. Entre ma sœur qui s'amuse à aller fouiller dans ma chambre et le putain de mal de crâne qui me vrille le cerveau, autant dire que je ne suis pas des plus aimables. C'est seulement lorsque je finis par prendre ma moto, que la tension redescend légèrement. Comme à chaque fois depuis que je suis ado, je me rends dans le seul endroit qui m'apaise. Ça ne devrait pas être le cas, pourtant ça l'est. Peu importe que je ne prenne pas cette route-là, je finis toujours par y revenir. C'est comme si j'étais aimanté à ce foutu de réverbère. Putain, si les arbres pouvaient parlés, je suis sûr qu'ils en auraient des choses à raconter.

Je me gare au même endroit qu'il y a dix piges, puis coince une cigarette entre mes dents. Mauvaise habitude que j'avais lâché durant l'armée mais qui est revenue à grand pas dès mon retour à la maison. La nicotine, l'alcool et le sexe sont mes vices, bien qu'ils le soient pour la majeure partie des membres.

Je fume clope sur clope, c'est mal, je le sais et mon geek de petit frère ne manquera pas de me le rappeler lorsque je rentrerai au club. Hendrix a beau avoir seulement douze ans, il est bien plus intelligent que la plupart d'entre nous. Il a déjà sauté une classe et je ne serais pas étonné s'il en sautait une deuxième. Maman est fière de lui, on l'est tous.

Je sors de mes pensées quand mon téléphone vibre dans la poche intérieure de mon cuir et je fronce les sourcils en regardant le message qui vient d'arriver. Mauvaise pioche, il ne s'agit pas de ma mère mais d'un numéro inconnu.

[Chers anciens élèves de East High School, voilà dix ans que vous avez quitté notre établissement. C'est pour cette raison que je vous invite à notre soirée des anciens élèves. J'espère de tout cœur vous compter parmi nous le douze de ce mois-ci.

Mes très sincères salutation,

Ludivine Robert, Directrice de East High School.]

Je relis plusieurs fois le message pour être certain que ce n'est pas un canular. Je comprends que ce n'est pas le cas, lorsque mon portable vibre une seconde fois et qu'un message de Xander apparaît. Apparemment, il a lui aussi reçu le message de la directrice de notre ancien lycée.

[Ils sont sérieux ?! Ça existe encore ce genre de connerie ?]

Vu son message, je ne suis pas le seul à avoir pensée à une plaisanterie. Je ricane avant que l'ampoule, comme dans les dessins animés, et qui ne s'allume que très rarement dans mon cas, se mette à rayonner. Mon estomac se comprime quand je pense à qui pourrait se rendre à cette putain de soirée. Moi qui pensais que dix ans à baiser des jolis-culs me permettrait de l'oublier, je crois que c'est râpé. Je jure en allumant une énième sèche, pourtant je ne la fume pas. Elle se consume tandis que ma caboche fonctionne à plein régime.

Est-ce qu'elle sera là ? A-t-elle changé en dix putains d'années ? Est-elle mariée à un de ses gars en pantalon en lin et qui porte une cravate ? Est-elle heureuse ? Pense-t-elle à notre dernier moment à cet endroit précis ? M'a-t-elle oublié ?

J'essaie de faire taire ses foutues questions que je ne devrais même pas me poser. Putain, c'est elle qui est partie ! C'est elle qui a jeté aux oubliettes tout ce que nous avons vécu en plus de trois ans de relation, enfin si on peut appeler ça comme ça.

Je jette la cigarette dans le cendrier artisanal que j'ai installé il y a presque douze ans puis remonte sur ma bécane. Comme à chaque fois, je quitte cet endroit le cerveau en vrac. Mais comme à chaque fois, je reviendrai.

Je rentre directement au club. Dès que ma moto est garée à son emplacement, je fonce dans la salle de sport, ignorant mon frangin, qui encore une fois me fait la morale, ainsi que les autres personnes présentes dans la salle. J'attrape une paire de gant qui a vu des jours meilleurs et me dirige dans le fond de la salle. Je ne tarde pas à déverser toutes les pensées liées à elle.

Droite. Gauche. Droite. Gauche.

Mes muscles me brûlent à force de les faire travailler. Mais comme je l'ai appris à l'armée, je n'abandonne pas. Je vide mon corps comme je l'ai fait tant de fois pour ne pas réfléchir. Je suis tellement focalisé sur les coups que je donne au sac de frappe que je n'entends pas mon meilleur pote arriver. Comme à son habitude, Xander s'installe sur le banc et me regarde me défouler. Je n'ai pas besoin de dire quoi que ce soit, il sait. Il connait les pensées qui traversent mon putain de cerveau, tout comme je sais qu'il a déjà dû faire ses recherches. X a peut-être perdu son bras, mais il n'a pas perdu son intelligence. C'est pour ça qu'il a été si bon durant ses années de services. Certains de nos coéquipiers l'appelaient le Traceur, car il a un vrai don pour trouver ceux qui ne veulent pas être trouvé. Avec Joker, son malinois qu'il a adopté durant nos années de services, ils faisaient une putain d'équipe de pistage.

Je finis par m'arrêter, à bout de souffle. Xan me tend une bouteille d'eau, que j'accepte avec grand plaisir et en vide plus de la moitié en une seule gorgée. Je m'installe ensuite sur le banc avant de défaire mes gants. Joker, qui n'est jamais loin de son maître, s'approche de nous, un jouet en plastique dans la gueule. Il le dépose sur ma cuisse et je me dépêche de le lancer à travers la salle. Le chien part tellement vite que ses pattes touchent à peine le sol. Mon pote soupire à côté de moi et je sais que la conversation n'est pas loin.

— Je vais bien, dis-je, pour la énième fois de la journée.

— Je n'ai rien dit.

— Tu n'as pas besoin, je sens ton regard d'ours sur moi.

Xander éclate de rire suite à ma comparaison, avant de se reprendre quand son chien revient avec son poulet en plastique.

— Pourquoi c'est si dur pour toi d'admettre qu'elle te retourne toujours le cerveau ?

— Ce n'est pas le cas.

— Oh allez, Harp. Je te connais, ne l'oublie pas. Cette fille a toujours eu le chic pour te foutre le cerveau à l'envers, surtout au lycée et même encore maintenant alors qu'elle est à des milliers de kilomètres.

— Elle ne m'a jamais foutu le cerveau à l'envers, répliqué-je avec mauvaise foi.

— Tu fais l'autruche là, frangin. Bien sûr qu'elle t'a retourné le cerveau. Je crois que ça a été le cas pour chaque mec du lycée.

Toi y compris ?

Je tourne mon visage vers lui en haussant un sourcil en attendant sa réponse, qui ne tarde pas à venir.

— Non, je ne suis pas trop fan des beautés froides, Harper. Je préfère lorsqu'elles sont caliente.

— Qui te dit qu'elle ne l'était pas ?

— Mec, tout le monde la surnommait la Reine des Glaces, ce n'est pas pour rien, si tu veux mon avis. Tu as peut-être vu un peu plus en dessous de la couche de givre, mais cela n'a pas été le cas pour tout le monde. Cette fille était une véritable garce.

Non, elle ne l'était pas.

Mais cette pensée ne dépasse pas mes lèvres. Je n'ai pas envie de me prendre le chou, une fois de plus, avec lui à ce propos. Ce n'est pas la première fois que nous avons cette discussion et c'est loin d'être la dernière. Xander ne connaissait pas Charley, comme moi, je la connaissais. C'est vrai qu'elle était froide en apparence, mais la réalité était tout autre. Ce sont ses putains de parents qui l'ont formaté afin qu'elle devienne ainsi. Elle a juste suivi le mouvement en pensant que cela leur permettrait peut-être de la remarquer. Parce qu'une chose est claire, chez les Prescott, les enfants on ne les chéris pas comme dans n'importe quelle famille. Non, les enfants sont des trophées qu'ils se doivent d'exposer devant leurs putains d'amis complètement hypocrites.

Alors non, Charley n'était pas une garce au cœur de glace comme beaucoup ont pu penser. Elle était simplement une petite fille, en quête de reconnaissance parentale. 

Nyx's Sinners - 4 - Harper [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant