Chapitre 10 - Son histoire

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Elle sembla me reconnaître :

"T'es le gars d'hier !"

"O-oui."

"Tu fous quoi au funérarium ? Tu veux des services ? Tu devrais pas !"

"Comment ça ?"

"Rien !"

Je la regardai dans les yeux pour comprendre. Elle céda :

"Ok, je vais tout te raconter, mais pas ici. C'est pas assez sécurisé."

Je la suivis à travers différents passages jusqu'à ce qu'on arrive dans un petit jardin muni de deux bancs. Je m'attendais à ce qu'elle s'assoit sur un des bancs, mais elle prit place sur le muret situé plus loin. Elle regardait en direction de la mer. En bas du muret, 15 mètres environ, il y avait une plateforme assez grande pour qu'une foule y reste. Je la regardai contempler l'horizon, des paillettes dans les yeux. Elle me prit la main et, montrant plus loin, me demanda :

"Tu sais ce qu'il y a là-bas ?"

"La mer ?"

Elle pouffa puis répondit :

"Ma première sœur, j'y tiens énormément."

Elle montra ensuite le ciel et dit tristement :

"Ma deuxième soeur, à laquelle je tenais tout autant."

"Elle est morte ?"

"Non. Bientôt..."

Moins compréhensible, tu meurs. Elle reprit :

"Tu me trouves bizarre ?"

Oui. Je ne lui dit pas ça, évidemment. J'essayai d'adoucir ma façon de parler :

"Tu as ton style, assez étrange."

"Au moins, tu ne me le dis pas directement."

"C'est pas ça-"

"J'ai su en même temps que toi qu'elle allait mourir."

"Eh ?"

"Des fois je dis ce qui se passe dans le futur sans le savoir."

"Comment est-ce possible ?"

"Je ne sais pas."

Personne ne parla pendant quelques secondes. Elle précisa :

"J'viens pas d'une famille normale."

"C'est sûr que ça doit être bizarre de faire partie du famille funéraire."

Elle sourit et répliqua :

"Faux !"

"Comment ça ?"

"Je ne viens d'une famille propriétaire de ce funérarium."

"T'as été adopté ?"

Elle mima la souffrance, une main sur le cœur en répliquant :

"C'est violent dit comme ça. Tu sais pas faire dans la douceur. Mais non j'ai pas été adopté. Ma famille a été recomposé tellement de fois que je sais pas qui en fait vraiment partie."

"Alors, pourquoi ta famille n'est pas la propriétaire du funérarium si t'en es la boss ?"

"Il n'appartient pas et n'a jamais appartenu à ma famille. Il n'a appartenu qu'à moi seule. J'ai économisé depuis longtemps pour pouvoir lancer son chantier."

"C'est ton rêve depuis si longtemps ?"

"Ça n'a jamais été un rêve. C'est un devoir que je me dois d'accomplir. J'ai reçu un don, il faut que je m'en serve le mieux possible."

"Je ne comprends pas."

"Peu après ma naissance, j'ai dit qu'il y allait avoir une guerre dans une vingtaine d'années. Qu'il y aurait beaucoup de morts. Le seul problème, c'est que quand j'ai dit ça, je n'avais pas encore appris à parler. Comme ça a été la seule chose que j'ai dit avant de savoir parler, ma famille ne s'en est pas inquiété et pensait avoir juste mal compris. Mais je m'en suis toujours souvenu, comme tout ce que j'ai annoncé. Et puis, plus tard, j'avais prédit la mort d'un ami puis la casse d'un objet et plein d'autres choses. C'est comme ça que j'ai compris que je ne rêvais pas."

"Ça doit être flippant."

"Ça l'est énormément."

"Tu es toujours sûre que c'est une prédiction et pas juste quelque chose que tu dis comme ça ?"

"Pas vraiment. Au début, je ne savais pas reconnaître mais là je sais car ce que je vais dire, si c'est vrai, je vais le retenir par cœur et le savoir sur le moment. Donc, la plupart du temps, je sais."

"C'est qu'en parlant que tu peux savoir ou tu le sais avant ?"

"C'est qu'en parlant. Je réalise ce que j'ai dit après. Je pourrai m'empêcher de le dire mais du coup, je ne saurai pas ce que j'aurais dû dire.

"C'est... compliqué..."

"Meuh non, tu verras !"

"Ça n'explique pas pourquoi t'as fait un funérarium ? Pour te faire de l'argent sur le dos des gens ?"

"Quoi ?! Non !"

Elle fit semblant de bouder puis, regardant tristement dans le vide, elle ajouta :

"Chaque mort mérite un bon entretien. Aucun corps ne mérite d'être jeté dans une fosse commune."

Je ne répondis rien. Il n'y avait rien à répondre. Je demandais à la place :

"Tu t'appelles comment ?"

"Hu Qushi."

"Hu Qushi ?"

"C'est exact. Hu est mon nom de famille et Qushi mon prénom."

"Qu'est ce que ça signifie ?"

"Qushi veut dire mourir et Hu n'importe quoi. Mais je le considère plus comme le diminutif de fleur "Hua"."

"Pour toi, je le considère aussi plus comme fleur. Ça te va mieux et ça colle plus à ton style."

"Oui, c'est une chance d'avoir son nom et son prénom associés à son style. Et toi, tu t'appelles comment ?"

Hu Tao & XiaoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant