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Comment allez-vous ?

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Comment allez-vous ?

Hey, comment ça va ?

Ça va mon reuf ?

Bien, et vous ?

Ça va, ça va.

Bah ouais, et toi ?


Le commencement des discussions de chômeurs, irl ou par messages. C'est un code de société, comme ne pas mettre ses coudes sur la table ; on te demande si ça va, tu réponds oui oui avec un beau sourire, et puis si t'es poli(e), tu rends la pareille à la personne. Après vous échangez des banalités qui vous semblent plus ou moins importantes, comme le temps qu'il fait, la mort d'un poisson rouge, à quel point votre collègue ou camarade de classe est chiant, ou si on se voit bien samedi au parc ou à l'office de l'église.

On y fait même plus attention, on s'en balec' de savoir si la personne va bien au final, on applique juste le protocole pour pouvoir raconter sa vie ou celle des autres juste après. Les idioties prennent le dessus sur la considération de l'individu, on s'en fout de son prochain.

Et on s'en fout de nous aussi. Quand on nous demande si ça va, on pense même pas à dire non, le "ça va et toi ?" niais sort de notre bouche immédiatement, automatiquement et tout naturellement. On se demande même plus si au fond on va bien, et puis on donne la réponse toute faite.

Quand c'est une personne qu'on aime pas qui pose la question, on répond "non". Et parfois on va vraiment pas bien, on prend juste pas le temps de se diagnostiquer. Au final, c'est peut-être les gens qu'on aime pas qui nous révèlent vraiment. Mais c'est une autre histoire.

Une fois, j'ai eu l'audace de dire non à une fille lorsqu'elle a posé la question. Je pleurais même pas, mais j'étais pas comme eux, comme elles ; j'étais triste en fait. Elle m'a fait un sourire faux très vrai et puis m'a demandé si ça va. Je ne me souviens pas mot pour mot de ce que j'ai dit, mais je crois avoir dit "non, pas du tout" et son sourire s'est décomposé. En vérité elle s'en battait les couilles de ma personne, elle voulait juste bien faire, devenir une espèce de gentille héroïne de ma vie. En fait, j'm'en battait les couilles d'elle aussi.

Elle a fui, un peu comme tous les autres dans ma vie. Il n'y a que les gens détruits qui donnent de bons conseils à ceux qui sont blessés. Ou du moins, il donnent un exemple à ne pas suivre. Les gens qui ne connaissent pas la dépression ne peuvent pas te dire de faire du yoga ou de manger trois repas par jour. Ils le font, mais ne peuvent simplement pas. Ce n'est pas leur place, mais au final ils s'en foutent, et on s'en fout aussi, ça fait toujours un soutien.

Mais je pense qu'eux-mêmes, au fond d'eux, sentent qu'ils ne peuvent pas.

Du coup, il y a ceux qui ne font rien. Qui écoutent tes problèmes et qui ne savent pas quoi faire. Ils arrêtent de répondre à tes messages à l'aide parce qu'ils n'aident pas, et se frappent intérieurement pour être aussi cons. J'ai du mal à décider qui je hais le plus. Je pense que le deuxième cas fait pitié, mais pas vraiment dans le bon sens du terme.

Parfois ces personnes sont tes parents, et croient bien faire, et tu dois sourire en leur promettant de t'occuper de ton corps, et de toi, mais au fond, avec tes yeux, tu leur dit respectueusement de se taire. Parfois, ces personnes sont tes parents toxiques, dans ce cas tu dois te renfermer sur ton mal-être sans parler. Je ne saurais définir mes parents face à ce constat. Je dirais qu'ils sont un peu des deux.

Pour revenir sur le phénomène du "ça va", je pense que le plus beau jour de ma vie a été le jour où j'ai eu les couilles de répondre honnêtement à cette question. La peur de se faire juger, de provoquer la peur chez autrui, ou le malaise, tout c'est envolé. J'ai regardé le seul pote que j'ai eu depuis je ne sais plus quand, et je lui ai tout dit. Je crois que notre dialogue c'est résumé à :

— Hey! Comment ça va ?

— Ça va, j'ai juste eu des pensées suicidaires dernièrement.

Et puis son visage c'est décomposé, mais pas de la même manière que la vieille meuf. Il était désolé pour ma personne. J'ai senti une once de pitié, mais pas vraiment comme celle que j'ai toujours reçue. Il a passé une main autour de mon épaule, et m'a murmuré :

— J'suis trop con. J'te pose la question depuis je ne sais plus quand, et tu me réponds un "oui" totalement faux et moi je capte rien, ça me satisfait. J'ai jamais vraiment regardé ce qu'il y avait au fond de tes yeux au final, j'ai vraiment jamais essayé de connaître le fond de ton âme.

Une larme à coulé sur sa joue.

— Parfois je pleure sans avoir de raison, je continue. Je ne sais pas pourquoi, les médicaments m'aident pas, j'ai pas envie de sortir de mon lit, j'ai envie de m'endormir pour toujours et de plus jamais me réveiller. Alors je me rends compte que ça va pas aussi bien que je le dis, j'ai vraiment un problème au final.

— Je ne sais pas ce que je peux faire pour t'aider, il a continué en essuyant les larmes qui laissent des stries sur ses joues et ses pommettes rougies. T'as déjà appelé le 3114 ?

— C'est quoi ça ?

— Un numéro de prévention pour le suicide.

J'ai pris une pause en regardant le ciel noir ponctué de points blancs et de nuages illuminés par la lune, comme des amoncellements gris. Puis mon regard s'est tourné vers celui qui me regardait comme un être humain et comme un être cher. Et alors qu'une larme était apparue au creux de mon œil et que mes lèvres s'était déformées en un sourire, j'ai murmuré :

— Je crois que tu m'as plus aidé que tu ne le crois, Hugo. Ça ne va pas, mais en un sens ça va quand même.







FIN.

tal' <33333

𝐇𝐎𝐖 𝐀𝐑𝐄 𝐘𝐎𝐔???Où les histoires vivent. Découvrez maintenant