Ce matin, comme tous les autres, il se leva à l'instant même où une sonnerie tonitruante se déclenchait. En quelques secondes, le jeune homme avait éteint le réveil et exécutait son salut militaire matinal. Il lui fallut une seconde pour se souvenir qu'il n'était plus dans sa caserne et se détendre légèrement.
Quelques minutes plus tard, l'ancien militaire se posta devant la baie-vitrée de l'appartement, son déjeuner en main, et scruta ce qu'il restait de l'horizon avec désolation. Le brouillard s'était encore obscurcit depuis la veille.
Le jeune homme se prépara mentalement à affronter l'extérieur ; aujourd'hui, une expédition l'attendait. Un coup de feu retentit dans le lointain annonçant déjà que sa sortie allait être sanglante, ou tout au moins très risquée. Mais il devait le faire en dépit du danger.
Devant un miroir en pied, Leo observait son uniforme - en parti fourni par l'armée - car le moindre défaut pourrait lui être fatal. Ses bottines en cuir, parfaitement lacées, couvraient son pantalon noir. Le bas de sa veste aux couleurs militaires était caché par son jean et ses bras étaient terminés par des gants fins. Par-dessus l'ensemble, sur ses hanches, sa ceinture portait deux étuis à pistolet ainsi que ses armes. Et, détail invisible mais important, son gilet par balle se trouvait ajusté à son corps au millimètre près. Leo termina son inspection par sa tête et remarqua une mèche blonde qui dépassait de sa capuche et la glissa dessous avec le reste de sa tignasse.
Ensuite, il se dirigea vers la table de la cuisine où un post-it contenait quelques mots : " Je m'appelle Leo Vasilias. Si vous lisez ceci, c'est que je suis mort. Dans la pièce au fond du couloir se trouvent mes observations et celles d'un prédécesseur. Faites en bon usage. 14/03/2246". À l'aide d'un crayon à papier il modifia la date : 17/03/2246.
Depuis plusieurs mois maintenant, Leo utilisait ce papier tel un palimpseste pour laisser au moins une trace de son misérable nom. Bien sûr, l'idée n'était pas la sienne, tout comme celle des observations. Lorsqu'il était arrivé dans l'appartement, il avait simplement continué le travail fascinant de l'habitant précédant.
Sur ce, le jeune homme mis son masque à gaz filtrant. Ainsi, il ressemblait à un belligérant des troisième et quatrième guerres mondiales, ou simplement aux autres survivants de sa propre époque.
Sa tenue enfin complétée, il dévala les quatre étages de son immeuble le plus silencieusement possible et s'arrêta un court instant devant l'issue. Une grande goulée d'air, sa main sur la grande plaque de verre, puis ses bottes sur le trottoir. Leo referma la porte sans un bruit puis écouta attentivement les bruits alentour et décida, au bout de plusieurs minutes, de se mettre en marche.
Dans le brouillard ambiant, épais et toxique, il ne voyait pas à plus de quelques mètres et respirait difficilement malgré la protection que lui offrait le masque. L'air était tellement pollué qu'il s'était chargé de particules lourdes et noires et ce, depuis longtemps. Les trottoirs aussi étaient immondes, pleins de tas de déchets et de plastiques.
Leo ne savait pas vraiment ce qu'il cherchait à part des informations et, même s'il restait le plus loin possible des autres humains, il se mettait parfois en danger. Mais il déambulait toujours dans la ville avec prudence, scrutant les rues autant qu'il pouvait et tendant l'oreille, une main toujours prête à dégainer. La violence et la mort pouvaient surgir de toutes les directions, à n'importe quel moment. Pourtant, l'ancien militaire aimait sentir son coeur battre la chamade sous l'effet de l'adrénaline et avait horreur de rester enfermé en permanence chez lui.
À peine dix minutes étaient passées lorsque la première fusillade le fit sursauter. Heureusement pour lui, elle était loin, probablement à un ou deux kilomètres. Il n'avait pas encore à sortir son pistolet. Deux coups de feu retentirent alors, mais cette fois-ci, beaucoup plus proches. Quelques centaines de mètres à peine.
Immédiatement, Leo se colla contre un mur et se munit d'un pistolet, tout en avançant très lentement. Au moindre bruit, il s'arrêtait, le coeur battant.
Deux cents mètres plus loin, un homme gisait à terre, à priori mort. L'ancien militaire s'allongea par terre au cas où le meurtrier rôde encore. Il attendit donc plusieurs minutes interminables dans le silence, avant de ramper. Il ne pouvait pas vraiment faire confiance à sa vue à cause de la pollution, il se servait donc principalement de son ouïe en espérant que ça suffise.
Accroupi au-dessus du cadavre, Leo comprit d'un coup d'oeil son allégeance à l'armée. Le malheureux avait reçu une balle dans la tête et son corps était encore chaud. Mais dans cette situation, pourtant courante, quelque chose clochait... L'homme n'avait pas encore été dépouillé.
Leo remarqua ce détail et s'éloigna rapidement du cadavre, mais trop tard. Une ombre sortit du brouillard et lui tira dessus, en plein poitrine. Encore une fois, son gilet par balle lui sauva la vie.
Il tomba à la renverse sous la force de l'impact et tira à son tour dès qu'il eut assez de stabilité. La balle toucha sa cible en pleine tête. L'inconnu s'écroula et une mare de sang commença à se former autour de lui. Cette fois, c'était un des sbires du gouvernement comme le prouvait une étoile noire brodée sur sa poitrine. Il savait ce que cette guerre de clan signifiait : un coup d'état se préparait.
Leo vola du matériel sur les deux corps, des denrées de plus en plus rares telles que des armes, des balles et une veste pour remplacer la sienne, puis il continua sa route. À l'angle de l'avenue, il tourna à gauche pour faire une petite ronde supplémentaire avant de rentrer à son appartement.
Mais sur le chemin du retour, à deux rues de chez lui, il tomba nez à nez avec un nouveau cadavre. Sa main se crispa sur son pistolet. Il fit exactement la même chose que précédemment : s'allonger, rester immobile un moment et ramper. La mort était récente puisque du sang gouttait encore de la plaie béante qu'il avait à la gorge, ce qui l'avait probablement tué. Cet individu aussi appartenait au gouvernement.
- Tommy ?
Leo se raidit, la voix avait surgit dans son dos sauf qu'il n'avait entendu personne approcher. Que faire ? Son instinct répondit pour lui lorsqu'il sentit une arme pointée sur sa tête et l'adrénaline se répandre dans ses veines.
- Rends-toi, ordonna l'inconnu.
Il se retourna pour attraper le poignet de son agresseur et retourner son bras dans son dos, mais rien ne se passa comme prévu. Son adversaire, un autre militaire, avait eu le temps de reculer, pourtant la distance entre eux était moindre. Tout se passa alors très vite.
Son adversaire écrasé sous son poids. Une arme qui glisse sur le sol. Des iris remplis de peur. Et un coup de feu.Leo se leva, ne se souvenant ni d'être rentré chez lui, ni d'avoir pris une douche, pourtant il était propre. Il se rendit donc dans son petit entrepôt de cassettes. Son magnétophone en main, il raconta simplement son expédition et terminanpar une conclusion funeste :
- Aujourd'hui j'ai tué. Encore. J'ai tellement de sang sur les mains. Pourtant, ça ne me fait presque plus rien quand j'arrache une vie, c'est lui ou moi. Mais je ne peux m'empêcher de me dire que l'Homme court à sa perte à cause de sa violence et de sa folie. Et j'y participe inévitablement. L'Homme n'a plus rien d'humain depuis longtemps, sa fureur naturelle et ses nombreux autres vices ont repris le dessus. Le monde est devenu fou. Chacun ne sert plus que ses propres intérêts ! Chacun a son opinion mais n'écoute jamais celle du voisin. Ainsi, la trahison règne en maître. Les quelques milliers de survivants Gallicanais s'entretuent à une vitesse hallucinante. La violence et les meurtres ne font que croître dans les rues de la capitale. Plus rien n'a de sens, pas même la survie. Nous devrions nous unir pour notre salut plutôt que de mourir inutilement pour le pouvoir. Mais personne n'agit dans ce sens. Cependant, ce n'est peut-être pas plus mal que l'Homme disparaisse pour la survie la planète. De générations en générations, nous l'avons de plus en plus détruite ! Tous ces beaux paysages que la Terre portait qui ne sont maintenant plus que des photos abîmées. L'humanité empoisonne tout. L'humanité s'autodétruit. L'humanité me dégoute.
Leo arrêta l'enregistrement et sortit se poser sur son canapé. Il lisait lorsqu'un hologramme apparut devant lui. Un porte-parole qu'il connaissait très bien pour l'avoir côtoyé : le général d'armée.
- Le chancelier Nestor est mort, déclara-t-il calmement, ainsi que la plupart de ses partisans. L'armé va désormais gouverner la Gallicane et la protéger des attaques intérieures et extérieures. La terreur est enfin terminée ! L'unité va revenir dans le pays. Pour vous placer dès maintenant sous notre protection et recevoir de la nourriture, rendez-vous dans la caserne la plus proche de chez vous ou au parlement. Quant à ceux qui voudraient s'engager, le recrutement est ouvert à tous. Bonne journée chers concitoyens. Votre gouverneur, Ephieltes.
Suite à cette annonce, Leo prit ses affaires et se rendit au parlement dans une atmosphère lugubre. Ayant combattu avec lui, il avait confiance en Ephieltes et se placer sous sa protection ne lui posait donc aucun problème. Il allait même s'engager de nouveau sous son commandement.
Lorsqu'il arriva au parlement, le hall grouillait déjà. Le jeune homme demanda à un garde de le présenter au gouverneur qu'il connaissait personnellement.
Son ancien camarade le reconnu et ils discutèrent quelques minutes. Leo souhaitait se placer sous ses ordres alors Ephieltes voulu l'emmener vers ses hommes pour qu'ils l'accueillent. Cependant, aucun individu ne se profilait à l'horizon et ils débouchèrent dans une pièce sombre et isolée.
- Où sommes-nous ? demanda le jeune homme de plus en plus suspicieux.
- Au temps de la guerre je t'appréciais Leonidas. (Il frissonna à l'évocation de son prénom complet). Je voulais que tu le saches, vilipenda le gouverneur tandis qu'un éclat brillait à sa ceinture. Mais nous n'avons pas besoin d'un ancien militaire rebelle avec ses « observations » pour nous servir.
Un coup de feu retentit et ce fut la dernière chose qu'entendit Leo avant de s'effondrer.
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2 246
Science FictionEn 2 246, la vie se résume à un brouillard toxique qui empêche de respirer l'air et à des balles auxquelles il faut échapper. Leo tente de survivre en observant ses congénères, mais comment s'en sort-il au milieux de cette folie ? ********* Déjà, p...