Je ne crois pas que nous nous soyons endormis : il me semble plutôt que nous avions flotté dans cet état de semi-conscience, mélange de fatigue et d'hébétude consécutive au choc. Nous ne réalisions pas encore ce que cet événement allait représenter en termes de conséquences dans notre vie de tous les jours, mais nous le pressentions.
Aux environs de huit heures du matin, après nous être agités trop longtemps dans un lit trop mou, après avoir échangé quelques paroles sans intérêt, nous sommes retournés voir la maison. Nous espérions pouvoir nous rendre compte des dégâts à l'intérieur, savoir ce que nous avions perdu dans la bataille.
Je me souviens avoir donc retraversé le village, hagard. Je portais un de ces vieux T-shirts que je mets pour dormir, un short et mes pantoufles. J'étais hagard et j'avais honte... Une sourde colère grondait en moi, d'avoir été obligé de sortir ainsi habillé, de défiler dans le bourg vêtu de guenilles qui n'auraient pas dû quitter ma chambre à coucher.
Arrivés sur la place, nous avons constaté que toutes les brigades de pompiers étaient encore là, toujours affairées, même si la situation était dorénavant sous contrôle et que l'intervention touchait à sa fin. De la rue, on pouvait se rendre compte que la partie supérieure du toit avait brûlé, mais impossible de se faire une idée des dégâts à l'intérieur. Nous devinions simplement qu'ils étaient moindres que chez le voisin, et pour cause : il ne restait pratiquement plus que ses murs extérieurs.
Nous avons demandé à pénétrer dans la maison, mais on nous a renvoyé d'où l'on venait et enjoint de revenir plus tard.
De retour chez la grand-mère, Cécile a téléphoné à nos familles - la sienne comme la mienne, car moi, n'étant déjà pas très téléphone, je ne pouvais pas. J'ai écouté Cécile passer les coups de fil, puis - et cela paraîtra peut-être curieux - je me suis connecté sur Facebook, où j'ai laissé un message à destination des amis, pour les prévenir que nous risquions de ne pas être très disponibles dans les jours à venir, de ne pas s'inquiéter.
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J'ai une relation d'amour et de haine avec les réseaux sociaux, particulièrement Facebook et Twitter.
D'amour, car ils me permettent de me sentir moins isolé, moi qui suis tel un ours dans sa caverne. Ils m'offrent la possibilité de rester en contact avec des personnes que j'aurais perdues de vue autrement, de garder un œil ouvert sur le monde - il est instructif de voir ce que les gens peuvent y déverser d'ânerie et/ou de méchanceté -, de faire aussi de nouvelles rencontres enrichissantes. Je pense notamment aux « vieux de la vieille », au Club des Cinq, comme nous nous sommes baptisés avec autodérision, nous battant même pour savoir qui était le chien. Mon Club des Cinq, c'est Pauline Doudelet, Roxane Lecomte, Jiminy Panoz, Pierrick Messien et moi. Au départ, nous avions en commun d'être justement très actif sur les réseaux sociaux, et dans la blogosphère de la littérature numérique en particulier. C'était en 2011, c'est-à-dire à l'aube de ce domaine. Depuis, nous essayons de rester en contact régulièrement, de nous encourager mutuellement, de nous entraider, d'être solidaires. Et Pierrick est depuis que je publie mon premier lecteur, celui qui valide l'envoi de mes textes aux éditeurs. S'il n'est pas convaincu, je laisse le fichier sur mon disque dur, ou je le retravaille jusqu'à ce qu'il approuve le résultat. Mais il n'y a pas que le Club des Cinq, je n'oublie pas l'autre Pauline (Crassard), TheSFReader, Natalia Arribas, et tous ceux avec qui j'ai eu le plaisir d'échanger ces cinq dernières années. Les réseaux sociaux sont aussi l'un des rares outils de communication financièrement accessibles aux auteurs méconnus et aux petites maisons d'édition.
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La Maison qui pleurait
Non-Fiction« La Maison qui pleurait » est un récit autobiographique sur l’incendie qui a frappé ma maison en août 2013 et les deux années qui s’ensuivirent. C’est une manière d’exorciser le traumatisme et un prétexte à m’interroger sur certains sujets qui me t...