Chapitre 1. La tempête

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Héloïse descendit de sa voiture et regarda le paysage. La tempête de cette semaine avait laissé des traces. Sur la route, elle avait vu des maisons dans lesquelles il y avait des tous dans la toiture ou bien des granges où des tôles étaient tombées et pendaient lamentablement à l'extérieur, des arbres avaient été abattus et avaient bloqué notre héroïne, des poubelles étaient renversées et leurs déchets jonchaient les trottoirs de Saint-Malo. Héloïse avait donc voulu aller se promener après être restée chez elle pendant une semaine à cause de l'alerte inondations, ce qui n'arrive jamais dans cette région-là : le beau comté breton. Oui vous avez bien lu, la Bretagne avait une alerte inondations.
Lise descendit donc sur la plage qui avait elle aussi été malmenée par cette tempête. Il y avait des algues dans tous les sens, des bouts de bois flottaient dans les mares au pied des rochers.
Les vagues étaient encore un peu grosses et s'écrasaient avec un grondement sourd.
Héloïse ne reconnaissait plus cette plage, ce rivage qu'elle avait si souvent contemplé et qui l'avait souvent consolé, conseillé. Elle fit quelques pas sur la plage et son regard fut attiré par une forme difforme recouverte de varechs. Héloïse pensa que c'était peut-être un tas d'algues  mais au plus profond d'elle-même, la jeune fille sentait que ce n'était pas simplement une motte de plantes marines. Elle s'approcha donc de cette épave. Elle n'était pas très rassurée et sentait que cette découverte changerait sa vie. Au moment où Héloïse s'apprêtait à se pencher vers la chose, elle ne voyait pas très bien comment l'appeler, cette dernière bougea.
- Ahhh ! cria Héloïse en bondissant en arrière, ce qui la fit trébucher sur un rocher.
- OK, Hélo tout va bien ce tas d'algues n'a pas bougé, se rassura la jeune femme.
Elle se remit debout, marcha vers l'étrange forme et bredouilla :
- Euh, petite chose es-tu vivante ? Qui es-tu ? Comment vas-tu ?
La forme bougea. Ce mouvement fit glisser quelques-unes des algues et Héloïse aperçut une main et un début de bras.
- Alors ça !? Tu es humaine ! Mais que fais-tu sous ce tas de varechs ? Attends je vais t'aider à t'en débarrasser !
Et Héloïse s'agenouilla. Elle retira les algues et découvrit une jeune femme couverte en haillons et couverte d'ecchymoses ce qui la rendait presque bleue. Héloïse fut remplie de compassion et de pitié. La femme remua et chercha à parler. Notre héroïne se pencha vers elle et tendit l'oreille.
- Mmmm...Merci ! murmura la femme avant de sombrer dans l'inconscience.
- Bon, je ne sais pas ce que je vais faire de toi mais pour l'instant tu n'es pas dans un très bon état donc je vais te ramener chez moi et faire passer le médecin.
Héloïse prit la jeune femme dans les bras et la porta jusqu'à sa voiture.

Vingt minutes plus tard, la belle inconnue reposait dans un bon lit, le médecin redescendait dans le salon, un pli barrait son large front. Notre généreuse héroïne se précipita sur lui et lui demanda :
- Alors ? Comment va-t-elle ? Est-ce qu'elle parle ?
- Chut. Calmez-vous ! Tout va bien ! Une question à la fois. Tout d'abord, vous allez me raconter où vous l'avez trouvé devant une bonne tasse de café.
Une tasse de café plus tard, le jeune médecin repartait et laissait à Héloïse une liste d'indications plus longues que son bras. L'inconnue n'était pas dans un très bon état et avait besoin d'une bonne dose de sommeil et surtout d'affection.
Héloïse monta dans la chambre où la demoiselle reposait. Elle délirait et criait dans son sommeil.
- Jacques, Jacques ! Non, ne fais pas ça, j'ai besoin de toi ! Je t'aime !
- Calmez-vous, Madame. Là, tout va bien, répondait avec patience Héloïse.
Notre protagoniste s'installa près de l'étrangère et s'endormit. Ce fut le médecin qui, le lendemain, réveilla les deux jeunes femmes.
Héloïse descendit et alla ouvrir.
- Ah Monsieur Breton, excusez ma tenue je n'ai pas beaucoup dormi. Vous venez aux nouvelles ? Sachez qu'elle va bien et est réveillée. Vous pouvez monter la voir si vous voulez.
- Merci Mademoiselle Bernier.
- Euh, excusez-moi pourriez-vous m'indiquer où je suis ? les interrompit une voix.
Nos amis se retournèrent et virent une belle jeune femme qui les regardait avec crainte.
- Madame, vous êtes chez moi, Héloïse Bernier. Je ne vous veux aucun mal. Remontez vous coucher je vais vous chercher de quoi manger un morceau, expliqua Héloïse.
Monsieur Breton monta avec la belle endormie et bientôt Héloïse les rejoignit.
- Alors vous avez une bonne grippe, Claire, entendit-elle au moment où elle ouvrait la porte.
- Je vois que vous avez eu le temps de faire connaissance. Je m'appelle...
- Héloïse Bernier ! Monsieur Breton me l'a dit et m'a raconté ce que vous avez fait pour moi. Je ne pourrai jamais vous remercier, la coupa Claire.
- Je vais vous laisser j'ai du travail qui m'attend. Mademoiselle voici une ordonnance pour remettre notre aventurière en forme. Claire, je vous laisse entre de bonnes mains. Prenez soin de vous comme on dit dans le jargon ! Kenavo ar wech all *!, lança joyeusement le médecin avant de disposer.
- Héloïse, je me permets de vous appeler comme ça, vous devriez vous asseoir ça risque d'être long.
Je m'appelle Claire Richard, j'ai vingt-deux ans et j'étais fiancée et j'espérais me marier cet été. J'habitais Saint-Egonet et nous étions en alerte rouge pour cause d'inondations, vous qui habitez Saint-Malo vous deviez en avoir entendu parler et être dans le même cas que nous. Tout allait bien jusqu'à ce fameux soir où je devais rejoindre mon fiancé pour une retraite à l'abbaye de Tressaint. Ma maison était située en bord de mer...
À cet instant la voix de la jeune fille se brisa, mais elle poursuivit :
- Mon fiancé, Jacques, a voulu me faire la surprise de venir me chercher chez moi. Il pleuvait, il ventait mais nous sommes habitués. Jacques sonna et j'ouvris la porte. A ce moment-là nous entendîmes un grand bruit venant du mur séparant la plage et mon jardin. Nous nous sommes dirigés vers l'endroit où nous avions entendu le bruit ou plutôt le craquement enfin je pense qu'il n'y a pas vraiment de mots pour décrire ce que nous avons entendu. Ce que nous vîmes était affreux, le mur s'était effondré et la grange qui se tenait contre la palissade s'était elle aussi éboulée. Je me mis à pleurer car cette grange c'était mon grand-père qui l'avait faite et elle contenait des objets de famille auxquels je tenais particulièrement. La penn coat** que je suis fonça vers la montagne de pierres, de meubles... et ne vis pas qu'une vague, comme on en avait jamais vu en Bretagne, se formait et venait s'écraser contre le mur ou plutôt ce qu'il en restait. Je n'eus pas le temps d'atteindre les restes de la grange que je me faisais emporter par les flots et projeter dans tous les sens, cognée contre les objets. J'avais peur. Je pensais à Jacques. Je voulais respirer. J'avais de l'eau dans le nez, la bouche, les poumons. Enfin, j'ai réussi à sortir la tête des flots et je respirais. Je m'agrippais à une tôle et cherchais dans la nuit Jacques. Ne le voyant pas, j'ai cru le pire arrivé, j'ai crié son nom comme je n'avais jamais crié. Et soudain je sentis une main m'attraper à la taille, je poussais un soupir de soulagement et aidais Jacques à monter sur mon radeau de fortune. A ce moment-là, j'ai béni mon grand-père d'avoir fait cette grange qui aujourd'hui nous sauvait la vie. Nous commençâmes à discuter avec Jacques de nos projets futurs pour lutter contre le sommeil et le froid. Nous nous sommes fait bringuebaler pendant un moment, la mer avait complètement inondé la forêt. Au fur et à mesure que la nuit avançait, la planche s'enfonçait sous l'eau. Nous essayions de faire contrepoids d'un côté mais rien n'y faisait. Au bout d'un moment, Jacques me dit : "Clairette, tu sais que je t'aime. Tu sais aussi qu'en nous mariant nous nous promettons d'être là l'un pour l'autre jusqu'à la mort et même dans le Ciel ?". Je lui répondis : "Oui, Jacques je sais et c'est d'ailleurs pour ça que je t'aime." Il reprit : "Ma chérie, plus le temps passe, plus la planche s'enfonce et je pense que si nous restons là tous les deux sur la planche, aucun de nous ne survivra." Je voyais où il voulait en venir. Mais je refusais d'entendre ces mots. Mais il me coupa : "Claire, ma Claire, laisse-moi finir, le mariage c'est aussi savoir donner sa vie, dans tous les sens du terme, à l'autre." Non, je ne voulais pas entendre sa phrase. "Le mariage, c'est passé sa vie avec l'autre et non le voir mourir sous ses yeux !", hurlai-je. "Claire, il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime ! Je t'offre ma vie pour que tu puisses vivre, et témoigner de cet amour. Alors accepte-la comme un cadeau que je te fais, comme tu acceptes un cadeau de Dieu. Ensuite je te demande de vivre comme tu as toujours vécu ! Vis pleinement ! Je veux te voir sourire, aimer ! Je te demande de vivre ce cadeau comme une grâce qui t'a été faite et non comme un poids ! Je te fais don de la Vie. Alors ne discute pas même si c'est le plus douloureux des cadeaux qu'on t'ait fait jusqu'à présent..." Je ne savais pas quoi répondre à ces paroles. C'était si douloureux à entendre. "Merci mon Jacquot ! Tu n'es pas obligé de faire ça ! Tu as toute la vie devant toi ! Ne te prends pas encore pour un chevalier ! Excuse-moi de m'énerver mais j'ai tellement mal ! J'ai une question : as-tu bien réfléchi ? Ta décision est-elle prise ?" Il me répondit en souriant : " Ça fait deux questions ! Non je ne joue pas les héros, je veux te donner ma vie d'une manière ou d'une autre alors la voici même si ce n'est pas la façon que j'avais imaginée ! On se revoit au Ciel et près des anges !" Il m'embrassa je n'eus que le temps de lui souffler que je l'aimais et il se laissa emporter par les flots... J'ai pleuré des heures... Écrasée par la fatigue je pense que je me suis endormie parce que je ne me souviens de rien.
Claire ouvrit les yeux qu'elle avait fermés pendant qu'elle racontait son histoire et découvrit Héloïse en pleure et qui la regardait avec compassion.
- Merci de m'avoir raconté tout cela ! Ça n'a pas dû être facile de se remémorer des moments pareils ! Sachez que vous êtes chez vous ici et que vous pouvez y rester aussi longtemps que vous le souhaiterez.
- Merci Héloïse, souffla Claire.

Quelques jours plus tard, Claire partit en promettant à Héloïse qu'elles se reverraient très vite. En effet, les deux jeunes femmes étaient rapidement devenues amies mais Claire devait aller annoncer aux parents de son fiancé disparu ce qu'il s'était passé et aller voir ses parents qui s'inquiétaient.
Au moment où le taxi de Claire disparaissait à l'angle de la rue Malouines, un jeune couple qui se promenait sur la plage, découvrait un corps ensablé et dont la vie ne tenait plus qu'à un fil...

Une nouvelle douloureuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant