Je me souviens

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     Il y a dans la rue où je me promène une boulangerie, de laquelle émane une agréable odeur de viennoiseries et de pains chauds qui se superpose à celle des gaz d'échappement, laissée par les voitures qui circulent. Cette odeur me replonge dans des doux souvenirs de mon enfance, et je commence doucement à me rappeler des dimanches quand je prenais le petit déjeuner avec mes parents qui avaient disposé sur la table le pain et les viennoiseries encore chaudes que mon père était allé chercher à la boulangerie.

     Soudain mon téléphone portable vibre, ce qui me fait quitter ma courte rêverie, je le sors de ma poche et une notification s'affiche. Grâce à lui, je suis toujours connectée avec mes amis et avec l'actualité ; je suis de la génération de ceux qui ont énormément de mal à se passer de ce petit bout de métal. Il est à la fois une merveilleuse invention qui me permet de rester connectée avec le monde entier et aussi une sorte de drogue dont je ne peux plus me passer et qui a beaucoup plus d'emprise sur moi que je ne veux me l'avouer.

     Parfois je me souviens à peine comment je passais mon temps avant d'avoir un téléphone portable. Je suis de la génération qui ne connait plus l'ennui, car elle a la possibilité instantanée de communiquer avec n'importe qui dans le monde ou d'accéder de façon instantanée à l'information. Tout va toujours très vite, on doit être constamment en train de faire quelque chose sinon un sentiment de culpabilité vient s'immiscer en nous, « j'aurais pu faire ceci ou cela ». C'est comme s'il y avait un compte à rebours sur nos épaules et que notre vie devrait être remplie à chaque instant, toujours et encore plus.

     Pourtant je reste là, à regarder mon téléphone, à fixer ce petit écran qui m'informe sur tout et sur rien. Il y a tellement d'informations... trop d'informations qui me submergent, inondent mon cerveau qui n'a pas le temps de tout traiter. Parfois, il y a des vidéos ou des images choquantes qui apparaissent, mais elles ne restent que très peu de temps dans mon esprit, c'est devenu presque « banal ». Pour ma génération, la violence ou la mort sont ainsi devenues presque banales. Nous sommes comme désensibilisés face à ce flot d'images violentes tellement elles sont nombreuses, nous sommes comme des robots visualisant des informations les unes après les autres.

     Il y a une sonnerie sourde qui me fait relever la tête, le tram arrive face à moi, les portes s'ouvrent, je rentre.

Recueil de Textes ("écriture créative") One shots [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant