Un soir de novembre

1. Samedi 12 novembre

Cassie était une élève assidue. Agée de 19 ans, elle étudiait à l'université de Lakefield. Depuis sa plus tendre enfance, elle ne rapportait que des bonnes notes à ses parents. Il n'aurait pas pu en être autrement, vu les exigences de son père. Colin Smith était entrepreneur immobilier et possédait la moitié des immeubles de Lakefield. Il comptait énormément sur sa fille unique pour reprendre l'affaire familiale, quitte à devenir plus strict et plus sévère que jamais. La pression sur les épaules de Cassie était telle qu'elle ne sortait jamais le week-end, et qu'elle passait ses pauses entre les cours à réviser. Ce soir-là, les parents de Cassie devaient se rendre à une réception chez le maire de la ville, M. Thomson. C'était un dîner extrêmement important pour Colin Smith, qui l'avait poussé à se conduire de façon odieuse avec sa femme et sa fille, tant le stress était grand. Il avait bien précisé à Cassie qu'elle ne devait sous aucun prétexte sortir de la maison, excepté un danger quelconque. Et dans un élan de fermeté, il avait décrété qu'elle devrait passer sa soirée à réviser, et avait pris avec lui la télécommande de la télévision et son ordinateur. Par précaution, il avait aussi prit les clés de la deuxième voiture. Comme d'habitude, sa femme, Elena Smith n'avait rien dit. Qu'aurait elle pu faire, Cassie n'était même pas sa fille biologique.

Une fois ses parents partis, Cassie appela sa meilleure amie, en quête de réconfort. Kylie ne décrocha pas. "Etrange", pensa-t-elle. Elle décida d'appeler une autre amie, Kim Peterson. Cette fois-ci ce fut la bonne, Kim répondit.

_ Allo ? Cassie ça va ?

_ Oui, tout va bien, dit Cassie. Mes parents sont partis. Je suis à bout. Mon père est horrible, il me prend encore pour une enfant. Qu'est ce que tu fais ?

_ Je suis en soirée chez Chris. Viens, ça te changera les idées, répondit Kim avec un bruit de musique et de cris en fond.

_ Je sais pas... Mon père a prit les clés de la voiture. Y'a qui à cette soirée ?

_ Beaucoup de monde ! Une grande partie du campus est là. Kylie est là aussi, elle est partie vomir. Oh, et il y a ton ex.

"Oh merde, il ne manquait plus que ça !" pensa Cassie.

_ Kenny est là ?!

_ Oui mais ne t'en fais, il y a tellement de monde qu'il ne te verra pas ! Allez viens, je te jure, ça te fera du bien. Bon il faut que je te laisse, je vais voir si Kylie va bien. Envoies moi un message, acheva-telle avant de raccrocher.

Cassie réfléchit. Elle avait tout sauf envie de croiser Kenny, vu la façon dont leur relation s'était terminée. Mais elle était en colère contre son père, et son sentiment de rébellion prit le dessus. Voiture ou pas, elle allait y aller à cette soirée. Après tout, la maison de Chris Brown n'était qu'à 10 minutes de chez elle. Cassie monta se changer dans sa chambre. Vide et plongée dans le noir, sa grande villa paraissait sinistre. C'est pourquoi elle laissait toujours les lumières de la grande pièce à vivre allumées. Elle enfila un haut à paillettes et un pantalon en cuir noir. Pendant qu'elle se maquillait, elle regarda juste un instant par la fenêtre de sa chambre, en direction de la piscine dans son jardin. Là, sur la terrasse, éclairée a moitié par les lumières du bassin, se tenait une silhouette. Cette vision fut furtive. Cassie cligna des yeux et la silhouette avait disparue. Elle senti un long frisson traverser son échine. Elle resta figée quelques secondes avant de se reprendre. "C'était juste une hallucination", pensa-t-elle pour se rassurer. Et quand bien même, elle avait prit soin de verrouiller chaque porte et chaque fenêtre de la maison. Après un cambriolage quelques mois auparavant, son père avait fait changer toutes les serrures et installer un dispositif de sécurité. Il n'y avait donc aucune inquiétude à avoir.

Un quart d'heure après, elle était fin prête et elle se décida à aller chercher son vélo dans le garage. Elle descendit les escaliers et arriva dans la pièce à vivre. Elle jeta un rapide coup d'œil par les baies-vitrées pour s'assurer qu'il n'y avait personne. Bien sûr, il n'y avait personne. Rassurée, elle se dirigea vers la porte du garage. Elle la déverrouilla et accéda à la pièce plongée dans le noir. Elle chercha à tâtons l'interrupteur sur le mur, avant d'allumer la lumière. Elle descendit rapidement les escaliers et se hâta de saisir son vélo. Cassie appuya sur le bouton pour ouvrir la grande porte de garage. Elle se sentait à la fois stressée et excitée de désobéir à son père, comme lorsqu'elle avait 14 ans et qu'elle faisait le mur pour sortir de chez elle. Elle savait qu'elle se ferait sermonner, et peut-être même couper les vivres, mais elle était trop énervée pour s'en soucier. Après tout, elle avait 19 ans déjà ! La porte se leva lentement, on pouvait apercevoir la rue petit à petit. Au moins, les lampadaires étaient allumés, ce qui rassura Cassie. Elle enfourcha son vélo et se mit à pédaler tranquillement. Elle commençait à s'éloigner de sa maison lorsqu'elle commis l'erreur qui lui fut fatale. Elle retourna la tête vers sa maison, juste quelques instants. Et là, se tenant debout juste devant la porte s'entrée, la même silhouette que tout à l'heure. Elle avait beau se tenir à plusieurs dizaines de mètres d'elle, Cassie sentit la panique monter en elle, et avant qu'elle ne s'en rende compte, elle avait perdue le contrôle du vélo. Elle retourna la tête pour regarder devant elle et vit bien trop tard l'arbre sur le côté de la route. Ce fut le choc. Cassie sentit la froideur de la route mélangée à la dureté des gravillons qui s'enfonçaient dans ses bras nus. Elle avait la tête qui tournait et sa vision était trouble. D'un coup, elle sentit une vive douleur à la tête. Instinctivement, elle tâta son crâne et sentit un liquide visqueux couler le long de son visage. Pas de doute, elle devait s'être fait un traumatisme crânien. Elle avait mal au dos aussi, et elle sentait sa jambe bloquée sous une barre de métal, qui devait être une partie de son vélo. Elle regarda ses bras, et malgré sa vision trouble, elle remarqua plusieurs égratignures, dont une plus profonde qui saignait beaucoup. Soudain, comme un retour à la réalité, elle se souvint de la raison de sa chute. Sa respiration s'accéléra, elle se rendait compte qu'il lui était impossible de bouger maintenant, et encore moins de prendre la fuite. Elle tenta de se dégager la jambe, en vain. Elle ferma les yeux de toutes ses forces en priant pour que ce qu'elle croyait avoir vu ne soit qu'une illusion, et pour qu'un voisin vienne l'aider. Et tandis qu'elle gardait les yeux fermés, elle entendit des bruits de pas se rapprocher d'elle. Super, un membre du voisinage l'avait vu et venait s'assurer qu'elle aille bien. Elle ouvrit les yeux, et ce qu'elle vit la rassura. Le visage de la personne qui se tenait au dessus d'elle lui était familier et elle fut soulagée de savoir que la silhouette était bel et bien le fruit de son imagination. Elle s'apprêtait à remercier son sauveur, lorsque ses oreilles furent heurtées par un bruit fort et violent. Sa vision s'obscurcie, et bientôt, elle ne voyait plus rien. Que c'était-il passé ? Ses dernières sensations disparurent, et bientôt, elle ne sentit plus rien.

Trois heures après, Colin et Elena Smith, qui rentraient d'un dîner d'affaire chez M. le Maire, découvrirent leur fille étendue dans une marre de sang; sur le bord de route, au pied d'un arbre. Sa poitrine était déformée par l'impact d'une balle, mais l'expression sur son visage était sereine.

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