Acte I

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4 septembre, 19h

-Sortez, tonna Farouk sans même tourner la tête.

C'était bien la première fois qu'elle l'entendait élever la voix. Il avait tant d'autorité par un simple murmure que le voir perdre le contrôle était presque ridicule. Bérénilde ne se démonta pas pour autant. L'avantage d'un esprit de famille sans mémoire, c'était bien le fait qu'il ne se souviendrait pas de sa colère. Il y avait même fort à parier qu'il en avait déjà oublié la raison.

-Si mon Seigneur me permet de plaider ma cause...

-Permission refusée, trancha Farouk d'un ton sec.

Bérénilde eut un hoquet de surprise quand elle le vit attraper son pense-bête d'un air presque rageur. Elle n'avait jamais vu un esprit de famille rentrer dans une telle colère. Elle qui avait toujours eu, grâce à feu son mari, une position sociale bien ancrée, se sentait tout d'un coup beaucoup moins solide. Farouk, restitué de son libre-arbitre, pouvait alors décider de rompre tout commerce avec elle et mettre fin à leur relation de manière plus que brutale.
Il lui brandit son pense-bête devant les yeux, ouvert à une page bien précise. Là, sur le papier, une grande photographie de Bérénilde a été collée avec un soin qui détonne du reste du carnet.

Farouk planta ses iris de fer dans les yeux de Bérénilde, et sans la quitter du regard, il déchira la page d'un coup sec. Le bruit avait été minime quoiqu'il avait semblé résonner dans le silence de l'antichambre.

-Je ne le répéterai pas, murmura Farouk. De-hors.

***

Bérenilde avait taché de garder une mine assurée en sortant des appartements de Farouk mais immanquablement, elle avait du sembler déconfite à en juger par le regard indéfinissable que lui avait jeté Archibald. Si elle avait eu un minimum de jugeote à cet instant, Bérénilde aurait sans nul doute décidé que faire d'Archibald son confident n'était pas la plus belle des idées.

Sauf qu'elle lui avait tout raconté : la mort de Marion, son désespoir, la colère de Farouk et son rejet, un outrage à part entière. Elle en aurait pleuré si Archibald n'avait pas été là. Et si leur destination, la Jetée Promenade, n'avait pas été pleine de monde.

Elle ne l'était pas. En fait, la Jetée n'était plus que l'ombre d'elle-même. Quand ils y arrivèrent enfin, ils considérèrent avec effroi le septième étage de la Tour, désormais désert.

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