west hollywood,
1er mai 1991,
15h30.
Isabella avait traversé la ville. Elle en était sûre, on allait la retrouver. On allait savoir que c'était elle qui l'avait tué ; tout le monde allait le savoir et elle finirait au fond du trou. Sa route l'emmena jusqu'aux collines qui surplombaient la cité des anges. Les hills. Bella avait compris sa destinée, comme une star de cinéma, elle devait mourir sous les projecteurs. Ce n'était qu'une question d'heures. On allait la retrouver, on allait la buter parce qu'elle tentait de s'enfuir. Arrêtée à un feu rouge, la jeune femme fondit en larmes, claquant à plusieurs reprises sa tête sur le volant en cuir de sa décapotable. Pathétique. Lâche. C'était tout ce qu'elle était. Elle avait tué celui qui partageait ses nuits, de sang-froid. Comme dans un polar. Pendant cette longue journée qu'elle avait passée à rouler, elle avait fait le tour de sa vie ; rien ne la gardait en vie puisqu'elle n'était rien, qu'une vulgaire gosse de riche, pas capable d'aligner trois mots dans faire de fautes ; elle ne savait ni chanter, ni danser, encore moins jouer la comédie. Aucun talent qu'elle pouvait exploiter, elle n'était même pas intelligente, juste bête et creuse, comme une poupée Barbie, un jouet en plastique sans coeur et sans âme, que les petites filles adoraient admirer. Isabella était une Barbie de pacotille, que l'on utilisait à tord et à travers pour l'argent qu'elle piquait à son père et pour son physique de mannequin. Ce n'était qu'une merde, une fille à papa sans papa, qui vivait sur de l'argent qu'elle ne possédait même pas. Mais, le spectacle était terminé, l'heure était venue de fermer le rideau, de tirer la révérence.
Elle allait mourir. Elle voulait mourir.
hollywood hills,
1er mai 1991,
18h46.
Elle freina d'un coup brusque, puis ouvrit la porte de sa voiture. Ses pieds foulèrent le sol, et les larmes coulaient, dans un ballet qu'elle n'arrivait pas à arrêter. Elle les essuyait et la seconde après, son visage était remplie de larmes. Elle voulait mourir. Encore faut-il y arriver. Isabella était tellement lâche qu'elle n'y arriverait pas. La brune marcha jusqu'à l'endroit le plus proche qui lui offrirait la plus belle chute libre, le plus beau traumatisme crânien, celui qui lui briserait les os de son crâne en mille petits morceaux. Une chute libre vertigineuse pour que son corps arrive sur la terre ferme complètement évaporé, brisé. Pour qu'elle ne soit qu'une vulgaire petite poupée de chiffon. Bella pleurait, sanglotait alors qu'elle regardait ces mètres qui la séparait de la fin, de sa mort si certaine, si soudaine, celle qui l'attendait les bras grands ouverts, avec ce petit sourire machiavélique.
Et puis, elle sentit un souffle derrière elle, une main attraper tendrement son épaule, un corps se coller contre le sien et puis une voix rauque. Une main tatouée, comme celle de Jason. Mais ce n'était pas lui. Une voix rauque et réconfortante. Ce n'était pas la sienne. Non, lui, il l'aurait regardé sauter et aurait probablement fait de même, trop défoncé pour se rendre compte de ce qu'il était en train de faire.
« Eh, shh... Respire. » Murmura la personne, contre son oreille. Elle tenta de calmer sa respiration, au rythme de la voix de l'inconnu.e qui la guidait. Enfin, l'inconnu. Elle savait qui il était. Jesse. Un mec avec qui elle avait couché une fois, en soirée. Et c'était rare, parce qu'il lui avait plu. Il était là, lui, ses tatouages, son dégradé, ses dents pas alignées, contre elle qui pensait que son heure était venue, au hasard d'un détour qu'il avait fait pour promener son chien.
Il l'avait directement reconnu. On n'oublie pas une femme comme Bella. Il l'avait vu tomber dans le vide, il avait vu son crâne et sa cervelle désintégrés sur les pentes escarpées de la colline. Pourtant, quand on est une étoile comme elle, on ne meurt pas, non, on brille.
Comme disait Éluard, « il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous », son heure n'était pas encore venue, son futur était contre elle. Leur rendez-vous ne faisait que commencer.
