Chapitre 1

13 3 2
                                    

-On va attendre ici que tes parents reviennent, d'accord?

La petite fille acquiesça et s'assit dans un grand fauteuil rouge moelleux près de l'âtre. Elle serrait ses vêtements si fort que le tissu devrait être repassé plus tard. La petite fixait les flammes pour cacher son angoisse. Et si ses parents ne venaient pas la chercher? Et s'ils ne la trouvaient pas? Et s'ils pensaient que s'était encore une de ses farces? Et s'ils la cherchaient encore dehors? Et si elle avait été trop méchante, suffisamment, pour qu'ils ne veuillent pas la chercher? Elle était bête de s'être perdue pendant leur promenade. Au moins elle avait retrouvé son chemin jusqu'à leur hôtel, même si c'était par pur hasard. Elle était trempée, frigorifiée même, mais le monsieur au guichet lui avait passé une couverture toute douce et appelé le gérant.

-Tu veux du thé? Je n'ai plus de biscuit mais il me reste du miel, dit-il en se tournant vers elle.

Elle acquiesça à nouveau faisant rebondir ses lourdes boucles blondes par-dessus le fauteuil. Il sourit et sa mèche bleue retomba sur son nez.

Il commença à sortir deux tasses de porcelaine de son cellier, à l'autre bout de la pièce. Elle n'osait pas regarder ce qui l'entourait, elle était toujours timide devant des inconnus. Elle n'avait entraperçu la grande pièce que quand le gérant avait ouvert la porte. Le bureau était au centre de l'immense pièce, dos aux fenêtres. Ces fenêtres qui montaient jusqu'au plafond et se finissaient en arc plein cintre étaient à moitié cachées par des lourds rideaux. Tout autour se dressaient des meubles remplis de livres. Intimidée, elle avait baissé la tête avant d'en voir plus. Elle ne voyait peut-être pas, mais elle écoutait. Le bruit de la porcelaine qui s'entrechoque. Les bruits de pas sur le vieux parquet. Une pluie battante coulant sur les carreaux. Un tapis lourd étouffant les pas autour du bureau. Le feu qui crépite et qui craque.

-Hé ne t'inquiète pas, j'ai dit à la loge de prévenir tes parents que tu étais dans mon bureau dès qu'ils rentreraient. Avec l'orage qui arrive, ils ne devraient pas tarder, continua-t-il d'une voix douce en tendant une tasse pleine.

La petite fille leva alors les yeux et regarda pour la première fois le visage de l'homme, ou plutôt du jeune homme. Avant, elle n'avait vu que son pantalon large bleu outremer, qui faisait trop de plis pour être véritablement à sa taille, et ses bottes fantaisistes avec plein de boucles et de lanières d'un cuir tanné d'un bleu sombre. Maintenant, elle observait un jeune vampire aux cheveux bleus nuit et aux reflets clairs de lune qui cachaient la moitié gauche de son visage, les yeux inquiets et un sourire timide. A vue de nez, il ne devait pas avoir plus de deux cent ans.

-C'est toujours mieux que d'attendre par terre dans le hall humide.

Elle prit la tasse qu'il lui tendait et commença à siroter le thé fumant. Son parfum était doux et sucré, il lui rappelait une jolie fleur qu'elle avait vu cet après-midi. Elle ne se souvenait déjà plus du nom, de son errance.

Il n'avait pas encore plu mais l'air était humide, avec ses parents, elle avait visité les serres du domaine dans lequel ils séjournaient depuis une semaine. La jardinière avait répondu à chacune de ses questions avec patience et elle s'était fait une joie de découvrir tout plein de plantes étranges aux noms latins imprononçables dont elle ne retenait que leur couleur et leur parfum. Puis ils avaient fait une balade dans les bois. Elle avait couru et chahuté partout, s'éloignant progressivement des sermons de son papa et de sa maman, et pourtant elle avait l'ouïe fine selon sa nourrice. Bien plus tard, elle se retourna et ne vit plus personne autour d'elle. Elle avait pris ça pour une blague même si ce n'était pas le goût de sa famille, elle avait mimé pendant de longue minute une flânerie et crié régulièrement un « Trouvé ! » en s'approchant vivement d'un tronc déraciné. Malheureusement elle n'avait jamais trouvé personne et dû bien se résoudre à admettre le fait qu'elle était partie trop loin. Elle erra pendant de longues heures, le soleil déclinant et se cachant derrière d'épais nuages. Elle avait crié et couru partout jusqu'à rejoindre un sentier qui l'avait ramené trempée à l'hôtel.

Evankhel- le conteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant