Chapitre 3

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« La foule partie rapidement après l'exécution, il faisait trop froid et pleuvait. Ophélie n'eut pas d'autre choix que de se faire traîner par les gardes, atterrée et vidée. Dans son esprit revenait en boucle le moment où la tête de Thomas tombait juste devant elle. Elle mit plusieurs heures à se rendre compte qu'elle n'était plus sur la place, et ne réussit pas à avaler le moindre plat pendant les trois jours qui suivirent. Après ce ne fut pas plus glorieux, elle n'était plus qu'une poupée dont l'âme était morte mais restée coincée dans un corps qu'elle ne maîtrisait plus.

Il ne fallut pas plus de deux mois à la cour pour oublier ce drame et à Evankhel pour asseoir son autorité sur cette loque de fille. Il profita largement du pouvoir qu'il venait d'obtenir sur elle pour la promener partout, faire ce qui lui plaisait sans même penser à elle. À la moindre incartade, elle finirait au bout d'une corde, elle en était sûre. Plus le temps passait, moins elle avait envie d'y aller. À présent, ils vivaient ensemble, mangeaient ensemble et dormaient ensemble, pour la forme, et maintenant l'illusion d'un couple uni et parfait, bien évidemment. Une routine s'installa entre eux pendant que le mariage se préparait tranquillement.

Un soir, malgré les lourdes restrictions sur la consommation du sang humain, il l'a mordit. Il aspira son sang pendant de longues minutes où elle ne put même pas se débattre. Ainsi, il recommença plusieurs fois, puis chaque soir ou presque. Ophélie faiblissait à vue d'œil mais personne ne s'en souciait. À l'aube, quand tous partaient se reposer, il profitait du calme pour assouvir ce besoin de plus en plus récurrent, dans ce lit qu'aucun des deux n'utilisaient réellement.

Se nourrir de sang humain était vital pour un vampire, mais afin d'éviter tout abus, était soumis à des règles très strictes dans ce pays. Il est autorisé de prendre le sang d'un être humain, mâle ou femelle, étant le conjoint officiel dans le cadre d'un mariage reconnu par le gouvernement, une à deux fois par semaine maximum. En cas de décès du conjoint ou de la conjointe, dans le cas d'un abus, la peine était généralement la mort, après la mise en bouteille. Cette loi n'empêchait en rien la consommation de sang humain en bouteille, et même la conseillait fortement, car ce sang provenait de volontaire. Malheureusement cette règle était très peu respectée à la cour. Il n'était pas rare que d'un noble à l'autre, comme un jeu pervers, se mordre relevait de la pulsion érotique et servait de signe pour marquer qu'on était pris. Le véritable tabou alimentaire et principe moral que tout vampire sain d'esprit conservait, était finalement la consommation de chair humaine, vampirique ou féerique.

Evankhel profitait de la faiblesse de sa fiancé pour mordre, chose qu'il n'avait finalement jamais faite que lors de sa petite enfance avec le sein de sa mère. Malheureusement ce temps ne pouvait durer indéfiniment et Ophélie se remit, plutôt vite, de la mort de son amour. Il diminua la fréquence de ses morsures et lui laissa plus de liberté, afin que son sang ait plus de saveur, la déprime n'ayant pas très bon goût. Tout le monde avait oublié les restrictions de déplacement de toute façon.

Ophélie avait peur, peur de ce vampire, de ce fiancé, qui sous ses airs chétifs cachait un manipulateur, et peut-être même un chasseur. Elle avait fini par comprendre le petit jeu d'Evankhel et le piège dans lequel elle était tombée. À vrai dire, elle s'était même jetée volontairement dedans par amour. Depuis la mort de Thomas, elle ne croyait plus en l'amour. Ce n'était plus qu'une chimère bonne à vous faire perdre la tête, littéralement. Dès qu'elle eut plus de liberté, elle s'éloigna de cette source de malheur et s'enivra plus que de raison dans des bals.

Evankhel se lassa progressivement, comme pour un jouet cassé. Voir Ophélie reprendre sa vie normale comme si la tragédie n'avait jamais existé ne lui donnait plus cette douce satisfaction de la vengeance. Sa relation avec sa fiancée évolua rapidement en de bref rapport cordial, ou chacun faisait ce qu'il voulait. Evankhel reprit ses habitudes de reclus, ce qui lui convenait assez bien, tandis qu'Ophélie recommença à paraitre dans les soirées mondaines.  Le dialogue presque inexistant était devenu flagrant maintenant qu'ils se côtoyaient. Ils ne se retrouvaient qu'au lever du jour, à l'heure du couché, dans leurs appartements, et quand le prince avait faim, il se servait généreusement. C'était tout.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 03, 2022 ⏰

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Evankhel- le conteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant