Maya

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[Navrée s'il y a des fautes.]

Maya avait déjà écrit sa lettre d'adieu une bonne demie-douzaine de fois. Elle pensait que ça la calmerait, que ça lui ferait prendre conscience de l'importance de cet acte. Pourtant, ça ne lui donnait que plus envie d'aller au bout.


Elle en avait écrit pleins, des lettres. Subissant son mutisme sélectif, Maya s'était mis à écrire pour extérioriser tout ce qu'elle gardait au fond d'elle. La jeune fille se confiait à une feuille blanche, parce que c'est tout ce qu'elle avait.

Personne ne savait ce que vivait Maya. Ni ses amies, ni mêmes ses parents. Elle cachait tout. Souriais. Cette pauvre enfant était forte à ce petit jeu, à un tel point que quiconque ne la soupçonnait d'aller mal. À tel point que les gens ignoraient son existence.

Alors, quand Maya ressentait à nouveau cette douleur au fond d'elle, elle s'enfermait dans sa chambre, pleurait, suffoquait, et se berçait pour se réconforter.

Elle pensait qu'elle n'était pas sur la bonne planète, que quelqu'un se rendrait compte de cette erreur et la renverrait chez elle. Mais ça n'est jamais arrivé. Maya Abrahams avait beau attendre chaque nuit à côté de sa fenêtre, elle se réveillait toujours dans la même chambre, descendait ces mêmes escaliers, ouvrait les mêmes placards et croisait les mêmes gens. Indéfiniment. Il lui arrive de ce demander si cela cesseras un jour, ou si c'était une boucle, se répétant, sans fin. Ces pensées lui fichaient le cafard.

La jeune fille ouvrit sa fenêtre et, avec un sourire soulagé, laissait l'air frais et pur de la nuit pénétrer dans sa chambre et souffler sur son visage. Son père la réprimanderait encore en lui disant qu'elle allait être malade. Tant pis.
Maya ne ressentait pas autant le froid que les autres. Et si elle le ressentait autant, dans ce cas, elle l'adorait. Surtout à cette heure-ci. La jeune fille adore la nuit. Calme, silencieuse. Pas une personne, pas un bruit. Elle passe la tête par la fenêtre, ferme les yeux et huma l'air.
La nuit la fascine, elle aime observait les étoiles. La lune l'hypnotise. Parfois, elle n'arrive pas à s'en détacher. C'est son père, qui, 5 minutes après, viens la chercher dehors pour lui ordonner de rentrer. Alors, elle la quitte des yeux et retourne sur terre.
C'est ce qu'elle ne veut pas. Avoir les pieds sur terre, vivre la réalité.

Puis, Maya s'installa à son piano, face à cette fenêtre.
Jouer la nuit, dans le noir, les ampoules de sa chambre éteintes, c'est ce qu'elle préfère. Elle regarde les jeux de lumière au loin, la campagne, perdue dans le brouillard sombre, qui l'enveloppait, et joue. Elle joue sans regarder les touches. Elle s'en rappelle.
Cela ne fait qu'un mois que Maya à ce piano électrique. Mais ce dernier l'aide, beaucoup. La jeune fille a refusé d'avoir un professeur, elle voulait apprendre en autodidacte. C'est une enfant très indépendante qui déteste les ordres. Elle trouve cette musique et ces moments trop intimes pour être acquis ou scruté par un professeur. Maya joue avec ses émotions. Et personne ne peut lui apprendre à jouer des émotions.
Elle n'avait pas dit ces phrases à ses parents, parce qu'elle ne voulait pas qu'on la regarde encore comme une entité inconnue venue de nul part ou une pauvre enfant qui avait grandi seule dans sa tête. Peut-être que son âme a vieilli ? Qu'elle mourra avant son corps ?
Elle garde toutes ses réflexions pour elle. La jeune fille avait compris depuis bien longtemps qu'il le fallait, pour préserver son image d'enfant parfaitement seine d'esprit, même si trop de gens en doutait.

Les gens trouveront Maya froide, distante, non-démonstrative, insensible, différente. Et ils auront à moitié raison. Mais Maya à trop d'émotions. Elle les ressent autrement, bien plus intensément. Ça rend chaque moment de sa vie beaucoup plus compliqué. Surtout auprès des autres. Ses émotions la submergent, la rongent, la batte à terre. Alors elle les ignore, avec de l'indifférence ou du sarcasme.

Elle se nie elle-même pour mieux se contrôler.

Maya est aussi trop emphatique. La pauvre jeune fille ressent les autres. Leur colère, leur tristesse, leur douleur. C'est fatiguant, affligeant. Quand Maya regarde « La ligne verte » , elle comprend ce grand monsieur, elle comprend sa douleur et son impuissance face à lui même.

Maya subit la vie, Maya subit les gens, mais Maya doit aussi et surtout, se subir elle-même. Comme ce grand monsieur.

Alors elle se hait. Elle se hait tellement qu'elle se fait du mal. Pour se punir d'être aussi sotte, d'être aussi différente, pour punir ce « je » de lui pourrir la vie.

« J'aimerais ne pas être moi. » Se répète-t-elle. « Être une imbécile heureuse."

Ce soir, les notes étaient rapides, graves. Quiconque passait par là pouvait entendre la tristesse, le désespoir, et par-dessus tout, la colère de ses accords, la force et l'agressivité avec laquelle elle apuyait sur ses touches. Elle se disait que si quelqu'un passait dehors à cet instant, alors il comprendrait sa douleur.

Maintenant, pour se confier, elle avait non seulement une feuille blanche, mais aussi des gammes et des accords. Pour elle, se sont des sons, tous différents et uniques, sans noms techniques que se donnent les professionnelles pour se donner un genre. Peut-être qu'ils donnaient un nom aux touches pour se sentir moins seul ?

Une larme coulait le long de sa joue. Pourtant, elle ne gémissait pas et les traits de son visage ne cillaient pas, restant éternellement sans émotions, et son regard perdurait sur ce même point de vue quelle ne lâchait pas.

Maya est fragile, mais forte à la fois.

En public, quand tout va mal, que les larmes lui monte aux yeux, elle ne s'en soucie pas. Et si un jour, une larme dévale le long de sa joue, elle ne cillera toujours pas, l'ignorant, feignant l'indifférence face à cette dernière, continuant son activité. Si bien, que les gens se demanderont s'ils avaient rêvé ou vraiment vu cette jeune fille pleurer.

Elle gardait tout à l'intérieur. Toujours. Tout. Tout le temps. Même quand elle est seule.

Maya se décida a appuyer sur la dernière note, referma la fenêtre et fila sous sa couette.

Demain, c'est la rentrée. Elle doit aller à l'école. Ça fait un moment. L'année dernière et celle la précédent, Maya était déscolarisée.

La jeune fille aime la solitude, la discrétion. Les gens la décrivent souvent comme asocial. Elle a une phobie sociale, c'est vrai. Mais elle aime vraiment être seule. Le bruit l'étourdie, la fatigue, l'énerve. Toutes ces conversations qui résonnent plus fortes les unes que les autres dans sa tête. Elle peut en écouter plusieurs en même temps, mais elle entendra autant une personne parler à côte d'elle qu'une mouche voler deux mètres plus loin ou le monsieur qui traine derrière lui les poubelles, devant la porte du lycée, tous les mardis et les jeudis, à 12H30.
Elle n'aime pas la foule. Maya a cette impression qu'on la fixe, qu'on la regarde, qu'on la juge, que l'on se moque. C'est souvent ce qu'il se passait, avant.

Pourtant, Maya a des amies. Très peu, et une seule véritable. Mais elle ne sera pas avec elle cette année. Rare sont les gens qui acceptent la différence.

Elle ne compte plus les personnes qui lui ont dit qu'elle était bizarre et qui étaient incapables d'expliquer pourquoi, ou d'argumenter avec des choses concrètes.

Au premier abord, Maya ne l'est pas, "bizarre". Elle peut paraitre anxieuse, maladroite, timide, froide. Mais quand vint le moment où il faut discuter avec les gens ou sociabiliser, Maya voit bien que plus rien ne va.Les gens l'approchent, parce qu'en apparence, elle est jolie, qu'elle s'habille comme tout le monde et qu'elle n'a pas de « particularités » extérieures.

Elle ne vous dira jamais qu'elle est intelligente, drôle, courageuse ou belle, parce qu'elle n'a plus le moindre amour propre, la moindre confiance en elle. On lui a tout pris. Dérobé, volé, arraché. Ce n'est pourtant pas faute de lui avoir dit ou de recevoir des compliments. Mais elle les décline, tous. Les gens penseront à de la fausse modestie, pourtant, elle déteste juste les compliments, ça l'insupporte. Autant que les chats et les champignons. Ce sont deux choses sûres auxquelles Maya se raccroche au risque de perdre définitivement son identité.


Tous les mots qui se terminent ainsi signifie « quelque chose qui la dépasse », et elle n'aime pas ça. Définitivement, indéfiniment, infiniment. Car quand elle pense à l'infini, elle se perd dans une angoisse terrible. Maya pense que la plus grande torture, la plus grande douleur que puisse connaître un être humain, c'est d'être immortel et de connaitre l'inifinie.


Maya est anxieuse, mais elle parvint à s'endormir vers quatre heure du matin, en repensant à cette phrase de Desproges. « L'intelligence, c'est le seul outil qui permet à l'homme de mesurer l'étendue de son malheur. ». Elle l'avait toujours pensé, mais elle ne l'a jamais dit. Il y a tant de choses qu'elle n'a jamais dites. Parce que les gens interprètent toujours ce que l'on dit comme ils veulent l'entendre.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 05, 2015 ⏰

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La petite fille qui pensait.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant