Maxime.
D'abord l'odeur de la terre...
De minuscules particules qui s'invitent dans mes narines et y déposent une odeur de soufre suffisamment forte pour raviver le souffle de vie.
Ensuite, il y a les voix... de plus en plus proches.
Elles s'immiscent dans mon esprit, tels des parasites, et l'astreignent à sortir du néant.
— Par ici ! Il y en a d'autres !
L'impression d'avaler une poignée d'aiguilles me provoque une quinte de toux. J'évacue la poussière qui obstrue ma gorge alors que dans ma tête, une nouvelle réalité s'imprime. Implacable.
Je suis vivant !
La surprise me fait suffoquer. J'inspire un grand coup et l'oxygène qui pénètre brusquement dans mes poumons, m'arrache un cri muet.
La sensation est horrible. Comme si on me brûlait de l'intérieur. Cette douleur se diffuse dans tout mon être. Intense... à la limite du supportable.
Je la sens s'insinuer dans chaque cellule, chaque parcelle de mon corps, à mesure que la substance vitale envahit mes membres engourdis. Je les imagine reprendre lentement leur forme originelle, leur couleur ...
Mon Dieu, mais qu'est-ce qui m'arrive ?
J'ai envie de hurler, mais aucun son ne sort de ma bouche asséchée. Mes paupières restent closes, comme si on les avait soudées l'une à l'autre.
Une peur panique, mêlée d'incompréhension s'empare de moi alors que mon cerveau s'obstine à réfuter les faits.
Je suis vivant.
Je dois me rendre à l'évidence. Pourtant, le seul mot qui revient dans ma tête alors que je ressasse l'information, c'est : impossible. Impossible que je sois allongé là, sur ce sol que je ne connais pas. Impossible que je sente mon cœur battre de nouveau dans ma poitrine.
J'étais mort, putain !
Et cette mort, je l'ai voulue. Désirée. Ardemment.
Alors quoi ? Est-ce le sort qui continue de s'acharner sur moi ? Ou alors, les maîtres du destin ont décidé de s'amuser à torturer le parjure que je suis ? Je n'ai pas assez souffert, c'est ça ?
Mes doigts s'enfoncent rageusement dans le sol meuble comme pour y puiser sa force. La terre s'incruste sous mes ongles et me redonne lentement la sensation du toucher.
Je parviens seulement à serrer les poings quand une voix d'homme s'élève au-dessus de ma tête.
— Hey Valerius ! Viens voir ça.
Des pas se font entendre, juste à côté de mes oreilles. On me pousse du bout du pied, comme si je n'étais qu'une vulgaire dépouille. Je perçois quelqu'un qui s'agenouille près de moi.
— C'est quoi ce bordel ?
Une autre voix, plus grave, répond alors que dans mon dos, je sens la brûlure glaciale des doigts qui me frôlent.
— Ce bordel, c'est un ange qui a perdu ses ailes...
Je frissonne à ces mots.
J'aimerais le contredire, mais je suis toujours prisonnier de mon corps et je n'y parviens pas.
Le type se redresse.
Et alors que, dans ma tête, je continue de hurler ma frustration, son ordre claque comme un coup de fouet.
— Embarquez-le ! Je suis sûr que le Maître sera ravi de cette trouvaille.
***
Le brouhaha force ma conscience et me fait grimacer alors que je reviens lentement parmi les vivants. Je ne sais pas où je suis, ni depuis combien de temps je gis, là, sur ce lit, mais peu à peu, je sens que mon corps reprend vie.