Lettre d'un Résistant

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Provence, 20 Janvier 1943

Ma très chère,

Je suis désolé de ne t'avoir pas écrit mais mes compagnons et moi ne pouvons pas rester plus d'une journée au même endroit de peur d'être découvert par les Allemands, arrêtés et exécutés.

Mais mieux vaut que je commence par le début, quand tout a commencé pour nous deux, peu avant le jour de mon départ.

J'ai été enrôlé dans la Résistance par le biais d'un ami qui en faisait partie. Il m'a recommandé auprès de ses compagnons et de son supérieur. Ce dernier a demandé à me rencontrer pour voir si le portrait que mon ami faisait de moi correspondait et si il pouvait faire de moi un membre de la Résistance. Alors cet ami est venu me chercher chez nous, la veille de mon départ, et son supérieur a accepté de m'enrôler dans la Résistance, et tu connais la suite...

Dans chacune des villes et villages que nous traversons, nous distribuons des prospectus et collons des affiches, tout ça le plus discrètement possible. Nous produisons aussi régulièrement des faux papiers pour tous ceux qui veulent fuir l'Occupation. Nous avons aidés, pas plus tard qu'hier, une famille à se réfugier en territoire neutre.

La nuit dernière, j'ai cru que c'était la fin, que je ne te reverrai plus jamais. Nous avons faillis être découvert par les forces ennemies qui patrouillaient non loin de l'endroit où nous nous étions cachés.

Je ne peux pas te dire exactement où je suis ni les noms de ceux qui sont avec moi mais je veux que tu saches que tu me manques tous les jours. Ne t'inquiètes pas pour moi car « La peine sera de courte durée », « La belle saison est proche » et nous serons bientôt réunis, et cette fois-ci plus rien ne pourra nous séparer. Tu vois, je n'ai pas oublié les prophéties de Robert Desnos. Et cet appel : « Ne l'entendez-vous pas ? », aujourd'hui, oui, je peux en témoigner.

« Une voix, une voix qui vient de si

[loin

Qu'elle ne fait plus tinter les oreilles,

Une voix, comme un tambour, voilée

Parvient pourtant, distinctement,

[jusqu'à nous. »

Cette voix, à travers la mienne, toi aussi maintenant tu peux l'entendre.

« Bien qu'elle semble sortir d'un

[tombeau »

Notre douce France, meurtrie.

« Elle ne parle que d'été et de

[printemps. »

Voici venir le renouveau.

« Elle empli le corps de joie,

Elle allume aux lèvres le sourire. »

Sur les tiennes, je le devine.

« Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix

[humaine »

Aujourd'hui c'est la mienne.

« Qui traverse les fracas de la vie et

des batailles, »

Toi seule sait combien nous en avons vécu.

« L'écroulement du tonnerre et le

[murmure des bavardages. »

Toi sous la menace des bombes, moi sous celles de la collaboration et de la délation.

« Et vous ? Ne l'entendez-vous

[pas ? »

Maintenant j'en suis certain, toi aussi tu l'entends.

« Elle dit « La peine sera de courte

[durée »

Elle dit « La belle saison est

[proche. »

Et nous serons bientôt réunis,

Et rien ne pourra plus nous séparer.

« Ne l'entendez-vous pas ? »

Oui, Robert Desnos nous entendons ta prophétie, elle est là, elle vient, aujourd'hui c'est demain.

Je dois maintenant te quitter, un de mes compagnons vient de me chercher, nous devons lever le camp.

À très bientôt mon amour,

Ton amant.

Lettre d'un Résistant à sa femmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant