Post-Euphoria

1- Abby

J'ouvre les yeux sur un plafond fissuré lorsque le réveil sonne. En soupirant, j'appuie sur le bouton d'arrêt de celui-ci avant de me redresser en balançant mes jambes hors du lit. Aujourd'hui c'est la rentrée, et ma dernière envie c'est de me rendre dans cette nouvelle école ou tout le monde va se connaître et où je serais la petite nouvelle. Mais ca reste mon premier jour de lycée et je tiens à voir à quel point les trois années à suivre vont être un enfer.
Je m'habille et me maquille en baillant avant de rejoindre mon père au salon, qui lit déjà son journal avec une tasse de café en face de lui. Je lui claque une bise sur la joue avant d'aller m'en faire couler un à moi aussi. Il me regarde passer avec émotion et je lis pratiquement dans son regard « ta mère serais si fière de toi »
Avant que vous ne vous apitoyez sur mon sort, non elle n'est pas morte. Et non, je n'ai pas envie d'en parler pour l'instant. Tout ce que vous avez à savoir c'est qu'elle n'est pas présente dans notre vie.
Bref, ou en étais-je ? Ah oui. Mon café. Je le bois, adossée contre le plan de travail en faux marbre cheap, un œil sur mon père et un sur mon portable qui recueille d'infos intéressantes sur mon futur lycée. Enfin une en particulier, en fait. Il y a environ deux ans, une pièce de theatre s'inspirant de certains élèves de l'établissement a été jouée, provoquant un scandale pratiquement à l'échelle de la ville. L'article que je lis annonce que la jeune femme qui avait écrit la pièce serait restée en ville après son diplôme de fin de lycée, sacrifiant de probables brillantes études à la fac, pour rester au près de son fiancé, emprisonné pour homicide volontaire et trafic de drogue. Je me demande ce qu'une fille géniale comme celle-ci a bien pu trouver à un délinquant notoire. Enfin, je ne suis pas dans leur vie.
Je me penche pour récupérer mon sac de cours rester à côté de moi, enfile mon manteau et des chaussures, puis me dirige vers la porte d'entrée.
- Bisous mon coeur, passe une bonne journée !
Je souris à mon père et décide de passer par le petit chemin qui mène directement derrière mon nouveau lycée : comme je suis partie en avance, j'ai le temps d'y aller à pieds.
Après 15 minutes de marche avec de la musique à fond dans les oreilles, j'arrive en fin à la ruelle qui me permet d'accéder au lycée. Je continue d'avancer en chantonnant, persuadée qu'il n'y a personne dans une si petite rue de bon matin. Mais, en relevant la tête, j'ai la surprise de voir un garçon adossé au mur. Il a le crâne rasé et deux tatouages sous les yeux, malgré le fait qu'il semble avoir mon âge environ. Son débardeur blanc découvre une large cicatrice qui empiète la moitié de son épaule droite et il tiens une cigarette entre ses lèvres. Comme il doit probablement être dans mon lycée, étant donné que c'est le seul a plusieurs kilomètres à la ronde, je décide de deja commencer à tisser des liens et sors une cigarette avant de m'approcher de lui:
- Excuse-moi tu aurais pas du feu par hasard ?
Il me regarde comme si je lui avais demander la lune avant de m'en sortir un en soupirant. Je le remercie puis lui propose de finir le chemin vers le lycée avec moi. A nouveau, j'ai droit à un regard blasé puis il se détourne de moi, comme si notre discussion n'avait pas eu lieu.
Je reprends ma route en me questionnant sur le comportement étrange du garçon et, toute la journée, je cherche son visage parmi la foule de lycéens, en ne le trouvant nulle part. A la place, un tas d'élève m'assaillent de toute part, demandant toujours plus d'information sur ma présence ici et mon passé. Évidement : je suis là petite attraction du jour, une nouveauté intrigante qui permet de s'amuser un peu le jour de la rentrée. D'ici quelques jours, les choses se tasseront et je saurais alors qui sont les personnes à qui je dois accorder de l'attention : celles qui ne m'en ont pas donné les premiers jours. Et j'en ai déjà repéré une: le garçon de ce matin, introuvable depuis.
La journée se passe tranquillement, excepté que je n'ai pas une seule minute à moi pour réfléchir : si ce ne sont pas mes camarades, ce sont mes profs qui me demandent de me présenter. Même la cantinière me fait une remarque sur ma nouveauté au moment de récupérer mon déjeuner.
En sortant du lycée, je me dirige vers le chemin que j'ai emprunté ce matin, espérant secrètement recroiser ce garçon intriguant. Mais il n'est pas là, et à la place, je me retrouve avec une fille du lycée clouée aux basques.
- Abby c'est ça ? J'ai entendu parlé de toi toute la journée, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de me présenter... je suis Charlie, on est dans le même cours de maths !
N'ayant pas vraiment de souvenirs d'elle, je hoche la tête, pressée de finir cette conversation à sens unique. Je sors une cigarette de ma poche et lui en propose une. A ma surprise, elle accepte, sortant un feu de sa propre poche. C'est après l'avoir allumer que la conversation prends un tout autre tournant 
- Tu sais... tu ne devrais pas passer par ce chemin toute seule. C'est ici qu'ashtray fait son business depuis que la boutique a fermé.
Je fronce les sourcils, me rappelant que le jeune homme de ce matin semblait attendre quelque chose.
- Ah oui ? Et du business de quoi exactement ? Je demande innocemment bien que le réponse me paraisse évidente :
- De drogue. Il en vend de toute sorte : si t'en veux, il est ton homme. Mais il a un peu trop tendance à se méfier des inconnus, surtout ceux qui se rendent sur son territoire. Il accorde plus beaucoup sa confiance depuis ce qu'il s'est passé il y a deux ans.
Et là, je n'ai pas posé plus de questions, puisque Charlie arrivait chez elle et qu'elle m'a quitté avec un grand « a demain ». Je n'ai pas fait le rapprochement non plus, avec ce que j'avais lu le matin même sur les évènement de cette ville il y a deux ans... mais je n'apprendrais que très bientôt l'histoire de ce garçon qui, pour le moment, m'intriguait plus que de raison.