Meutre passionel

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Des pas semblaient se faire entendre en dehors du restaurant.
Ce soir, il n'y avait que quelques clients, cinq ou six tout au plus. Il était donc plutôt anormal de voir débarquer une dizaine d'hommes en tenue de policier qui ne semblaient clairement pas entrer ici pour parler du bon temps au bar.
L'un d'eux s'approcha d'un des serveurs : sa démarche semblait menaçante à première vue, mais l'expression de son visage montrait qu'il était bien plus inquiet-ce qui créait un grand contraste  avec son air d'homme imperturbable.

-Est-ce que Monsieur Maxime est ici aujourd'hui?

-Oui, Monsieur, il est ici. Je peux lui rapporter vos paroles pour que vous n'ayez pas à attendre si vous le souhaitez.

Le mystérieux policier regarda le serveur intensément dans les yeux. Ceux-ci semblaient crier une alerte qui montrait bien qu'il devait impérativement le voir seul-à-seul.

-J'en suis désolé mais c'est une affaire urgente et je souhaiterais le voir en privé...ne vous inquiétez pas, cher ami, ça ne va pas durer longtemps.

Le serveur, ne sentant aucune menace dans la voix de l'homme, sembla plus rassuré.

-Très bien, je l'appelle.

Le serveur se dépêcha donc de prévenir son patron et après quelques minutes d'attentes, un nouvel homme fit son apparition à côté du serveur. Avec sa coupe en désordre et sa chevelure blonde en bataille, il était reconnaissable à des kilomètres. Son air décontracté et ses mains dans les poches lui étaient bien uniques dans ce restaurant puisque lui-seul semblait calme dans cette situation. D'ailleurs, on douterait même qu'il soit propriétaire de ce restaurant : il ne semblait pas avoir plus de la vingtaine, ne portait même pas sa tenue de travail et ressemblait plus à un client avec sa veste blanche et son jean noir. Son visage ne montrait aucune émotion, malgré la situation plutôt inquiétante. Alors le jeune homme prit la parole, toujours avec un air calme et détendu.

-Bonsoir commissaire, ravi de vous rencontrer mais vous ne pensez pas qu'il est un peu tard pour débarquer dans mon restaurant à une heure pareil comme des fous furieux? Vous êtes en train de faire fuir mes derniers clients. Attendez que le restaurant ferme la prochaine fois, d'accord?

Le commissaire semblait amusé de sa réponse.

-Toujours aussi calme même dans les pires situations à ce que je vois, Monsieur Maxime.

-Oh si vous saviez commissaire : j'ai l'habitude, avec vos copains d'à côté qui me harcèlent en permanence ces derniers temps.

-Donc vous êtes au courant de la raison qui m'amène ici, n'est-ce pas?

-Malheureusment oui, j'imagine, répondit Maxime tout en baissant les yeux d'un air triste et concerné.

Après un bref échange, les deux hommes se dirigèrent vers le bureau du propriétaire. L'endroit semblait en désordre, rempli de piles de papiers dont on douterait l'utilité. À quelques pas de l'entrée, on y trouvait parfois des cigarettes entamées posées sur les cendriers qui semblaient ne pas avoir changé de place depuis des lustres. Le bureau en lui-même avait l'air propre, si l'on ignorait les nombreux paquets de malbouffe et de sucreries. Les deux hommes prirent place sur des sièges grinçants, le propriétaire à sa place habituelle et le commissaire assis en face du dit bureau. S'en suivit une discussion aux tournants bien plus sombres que prévu.

- Monsieur Maxime, si je suis venu vous voir, c'est pour parler avec vous de l'incident qui a eu lieu dans le bâtiment d'à côté dont j'imagine que vous connaissiez le locataire.

Maxime baissa encore une fois les yeux par tristesse et répondit d'un ton nostalgique mêlé de regret:

-Bien sûr que je m'en souviens; lui et moi on était comme des frères. On a fait les 400 coups ensemble. Ce qui lui arrive en ce moment c'est horrible. Mais malgré tout, j'ai du mal à croire que ce soit lui. Vous savez, j'aimerais tellement pouvoir l'aider.

-Une raison vous en empêche, Monsieur Maxime? Tout ce que vous dites a une importance capitale pour nous. Nous ferons de notre mieux pour le retrouver.

-Eh bien, vous savez, il est injoignable depuis ce fameux incident. J'ai tenté de le contacter ces derniers temps...hélas, aucune réponse. Et étant donné que le bâtiment est occupé en permanence par vos copains les policiers, je ne peux pas continuer mes recherches sans me faire arrêter ou suspecter.

-Je comprends votre acharnement, Monsieur Maxime, mais c'est à nous que revient la responsabilité de le trouver.

-Il n'y a rien que je puisse faire pour vous contredire de toute façon, répondit Maxime d'un ton agacé. Sinon, qu'en est-il de sa femme?

Un long silence s'en suivit. Quand tout à coup le commissaire prit une profonde respiration et s'apprêta à annoncer l'horrible nouvelle à Maxime.

-Monsieur Maxime, mademoiselle Emma est présumément morte. En ce moment même, nos médecins risquent leur vie pour la sauver. Malheureusement, les chances de la ranimer sont très minces.

L'expression de Maxime était indescriptible, ou plutôt, il ne savait même pas quelle réaction prendre à cet instant même. Son visage était un mélange de désappointement, de peine et de colère. Face à cette nouvelle, le plutôt calme Maxime ne tint pas. Il partit donc de son bureau en désordre sans aucune destination en tête. Il ne voulait qu'une seule chose : la sauver. Hélas, il ne pouvait rien faire, tel un insecte pris dans la toile. Le commissaire, comprenant tout à fait sa réaction, ne bougea pas, il se contenta de rester là, conscient qu'il ne pouvait rien faire pour le réconforter.
Quelques instants plus tard, Maxime était planté sur le toit à fumer une cigarette. C'était sans doute pour se changer les idées mais le poids de toutes ces conséquences était trop lourd à porter pour qu'il oublie un instant ce qu'il s'était passé. Maxime murmura dans le vide tout en expirant un nuage de fumée vaporeuse :

-Cette fille t'a vraiment changé. Elle est passée où cette époque où on pouvait suivre nos pensées sans répercussions, hein, vieux frère?

Rouge of LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant