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La riche senteur des roses emplissait l'atelier, et lorsque la brise d'été agitait les arbres du jardin, les lourds effluves du lilas, ou la fragrance plus subtile de l'épine du rose, pénétrait par la porte ouverte.

Son bonheur, il était là, tapis dans l'ombre de cet atelier si précieux à ses yeux. Toute sa vie, son enfance, il l'avait passé ici à se questionner, se délecter de ses réussites et s'enrichir de ses expériences un peu moins fructueuses. Un calme permanent régnait dans la pièce, l'un de ces calmes qui ne le sont que pour la personne qui le crée. Organisée d'un bazar rangé, à la manière de tous les rêveurs, l'atelier semblait tout droit sortie d'un film à l'eau de rose ou d'un roman historique, ses senteurs vivifiantes de fleurs et de bois, de création et de passion, n'aidant en rien à subtiliser cette impression.

Endormi dans un coin sur la paillasse faisant office de couchette, le jeune homme à la tête débordante de projets inquiétait une fois de plus ses parents, ne trouvant pas leur fils à la maison. Pourtant, son esprit fou de réalisations leur avait bel et bien mentionné qu'il ne rentrerait pas cette nuit-là. 

Comme il rêvait du jour où il pourrait vivre que dans cet appartement tenant plus de la grange ou de l'étable que d'une maison... Sans personne pour le guider, il avait l'impression de revivre, ou plutôt de vivre tout simplement.

À présent que le soleil pénétrait par les interstices entre les planches de bois et que les oiseaux gazouillaient gaiement à l'extérieur, réclament leur déjeuner de mie de pain quotidien, un long grognement peu gracieux brisa le silence du matin, celui ou l'on se sent comme le seul être au monde, celui où l'on croit que tout est possible.

À peine sorti de ses songes, le jeune inventeur se précipitait déjà au chevet de sa plus récente création, née depuis à peine plus d'une journée. La journée précédente, il l'avait passé à mettre en œuvre un éléphant mécanique, tout en bois de rose pour la senteur. S'inspirant de son plus grand prédécesseur, Léonard de Vinci, il avait tenté de recréer le principe des mécanismes mis en œuvre pour la première fois par le plus grand inventeur que la terre n'eût jamais connu.

S'étant écroulé de fatigue la veille, il n'avait pu tenter de faire fonctionner son œuvre et l'excitation était à son comble. Pour l'une des rares fois de sa vie, il était certain de sa réussite. Un sourire d'ange aux lèvres, les yeux ne reflétant que son amour pour son art, il activa le mécanisme et regarda avec émerveillement l'éléphant avancer lourdement, oscillant sa courte queue dans sa démarche.

À cet instant, rien ne pouvait l'extirper de sa contemplation tant sa fierté était immense. Quand bien même que les lois de la gravité seraient défiées et que la terre tomberait en chute libre, il resterait dans la même position, le regard empreint de la joie la plus pure et la plus totale qui puisse exister. 


L'inventeur de rêveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant