L'astre d'or disperse ses rayons dans l'azur éclatant. Les filets de lumière brûlante s'abattent sur le blanc de ma robe, elle scintille de mille feux. Une douce brise s'invite dans le décor, elle fait virevolter mes mèches blondes et m'incite à prendre une grande inspiration. J'entrouvre la bouche, mes lèvres sont tremblantes. Je ferme les yeux, mes poumons s'emplissent d'air frais, ma tête bascule légèrement en arrière.
Les portes s'ouvrent, je les entends.
Tous les regards sont braqués sur moi, je peux sentir leur poids alourdir ma traîne. Pressée par le bras emmêlé au mien, je suis contrainte de faire le premier pas. Mon talon claque sur le sol de l'église, l'émotion m'assaille. Telle une vague qui ravage la côte en avalant tout sur son passage, elle me noie l'esprit et m'empêche de penser clairement. La panique envahit mon être, électrise mon échine et me broie les entrailles. Je perds tout discernement, tout me parait si trouble, plus rien n'a de sens, je dois avoir perdu la raison. Je me sens complètement ensevelie. Mes responsabilités me rattrapent, je veux leur échapper, je ne peux pas. J'expire difficilement, tous mes muscles se sont raidis, presque tétanisés. Ma gorge est tellement serrée que la peur de mourir étouffée s'insinue dans un coin de ma tête. Mes mains agrippent le bouquet si fort que les tiges menacent de céder. Mon rythme cardiaque s'accélère, le sang pulse à toute vitesse dans mes artères, il suffirait d'un rien pour les voir céder sous la pression. Il suffirait d'un rien pour me voir céder sous la pression.
Et puis brusquement, tout s'arrête.
Je le vois, lui. Ce profil disparate qui retient mon attention et ravi mes sens. Mes yeux ne le lâchent plus. Lui, cet homme pour qui mon corps brûle et mon cœur bat.
Je plonge dans ses iris de jade et je me sens mieux. C'est instantané. Il n'y a plus que lui et moi, le reste disparaît. Nous seuls comptons, ce qui nous entoure n'existe plus. Mes soucis s'envolent, mes angoisses deviennent dérisoires. La tension ambiante s'est évaporée.
Son aura m'emporte.
Je ne m'en rends pas compte, mais je souris. Un sourire singulier, plein de bonheur et dépourvu d'hypocrisie, en somme, un sourire que je connais peu. Arborant ce fameux sourire, je continue mon avancée le long de l'allée. Plus je m'approche de lui et plus les souvenirs me reviennent. Si je ferme les yeux l'espace d'un instant, je peux même les visualiser sur ma rétine noircie.
Lui, moi, nous deux. Nous rions à gorge déployée, décomplexés, affranchis des autres, émancipés du monde. Libres, au moins pour un temps. Je nous vois courir dans les hautes herbes. Trop occupée à le regarder, à me délecter de son air gai, je finis par trébucher, puis par tomber. Bien vite, il me rejoint. Son visage au-dessus du mien, il est plus beau que jamais. Sa frimousse maligne ne l'a pas quitté, j'ai envie de l'embrasser. Je passe mes mains derrière sa nuque pour me redresser un peu. Je lis dans ses émeraudes qu'il a compris. Il pose sa bouche sur la mienne. Il caresse ma joue, ma taille, mes hanches. J'empoigne ses cheveux bruns. Je veux plus. Il le sait. Doucement, ses lèvres quittent les miennes pour rejoindre mon cou. Il se montre tendre et affectueux.
Je le sais amoureux. Par un courant d'air qu'il semble avoir provoqué, ma robe se soulève. Je suis presque nue sous lui, je voudrais l'être entièrement. Sa peau caresse la mienne, plus douce que la soie, elle me donne la chair de poule. Son souffle frappe ma nuque, ses doigts remontent le long de mes cuisses. Lorsqu'il me touche enfin, je me sens partir.
Partir vers un autre univers, une terre meilleure pour nous abriter des malheurs de celle-ci.
Les soupirs rauques qu'il m'a si longtemps arrachés, les paroles délicieuses qu'il a glissées à maintes reprises au creux de mon oreille, je m'en rappelle encore aujourd'hui. Les promesses qu'il m'a faites, je m'en souviens également. Je m'en souviendrai toujours.
Je peux même l'entendre, là, tout de suite, me les dire à nouveau.
Seulement, je remarque que les mots ont changé. Le ton, lui aussi, n'est plus le même.
Quelque chose ne va pas. Ces vœux de mariage ne sont pas les siens, j'en suis certaine.La réalité me revient en pleine figure lorsque l'anneau glisse le long de mon annulaire.
Et brusquement, tout s'arrête.Je détourne les yeux et je le vois enfin. Lui.
Lui qui se tient devant moi sans que je ne l'ai remarqué jusqu'alors.
Lui, cet homme que je n'aime pas : mon époux.
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Mon époux
Short StoryLa cérémonie du plus beau jour d'une vie, racontée du point de vue de la mariée. !Cette histoire m'appartient! texte complet: 800 mots Publication: le 06/05/2022