Mon Arthur,
Je t'écris aujourd'hui dans l'espoir de ralentir la mélancolie qui se répand dans mes veines tel le plus vicieux des poisons. Pour cela, quoi de mieux que de ressasser le passé ? Peu de chose à mes yeux, alors pourquoi ne pas commencer par le début ; notre rencontre...
Mardi 1er septembre 2015
Notre rentrée en 6e. À cette époque, je venais de quitter Paris avec mes parents pour Toulon. Je ne connaissais personne et avais dû quitter les maigres amis que j'avais réussis à me faire en 11 ans d'existence. J'étais timide, perdu et d'une humeur maussade qui n'invitait pas à la discussion. Tu étais mon opposé : un extraverti par nature, toujours empli de joie, distribuant les bonnes actions comme tu respirais. Tu vivais à Toulon depuis ta naissance, tu connaissais tout le monde et tout le monde te connaissait.
Ce jour-là je me rappelle encore être parti me réfugier dans un coin de la cour après les deux pires heures de ma vie où la classe avait pu assister au défilé de nos futurs professeurs. J'avais vite compris que tout le monde se connaissait, j'étais l'intrus, le petit nouveau inconnu, le maudit citadin parisien. Je ne sais pas comment ni pourquoi tu m'avais trouvé, mais tu l'avais fait. Toi, le grand blond populaire, tu avais pris la peine de me chercher après avoir remarqué ma mine perdue en classe. Tu m'avais offert un sourire rassurant puis tu t'étais présenté :
"Salut, je suis Arthur.
– Salut.
– Hum, et, tu t'appelles comment ?
– Lucas."
Un joli sourire apparut alors sur ton visage tandis que d'une voix légère qui sembla effleurer comme une caresse mon oreille, tu me proposas de me faire visiter Toulon. Il faut croire qu'il était facile de voir que je n'étais pas d'ici. Lorsque plus tard dans la journée je te demandais comment tu avais su cela, tu m'avais simplement souri en me disant qu'étant donné que tu connaissais tout le monde mais que mon joli visage t'était inconnu, il était facile de le comprendre. Je me souviens avoir rougi en baissant la tête au compliment. Tu avais ri à ma réaction avant de m'attraper le poignet pour me tirer vers la classe alors que la cloche résonnait. C'est en te voyant ainsi détendu et rieur que moi, Lucas, du haut de mes 11 ans, je me suis promis que tant que je serai vivant, je ferais tout pour te rendre heureux.
C'est comme ça que notre amitié commença : un garçon perdu caché dans un coin de la cour et un garçon populaire qui aimait un peu trop aider les autres. Une attache innocente, deux êtres encore si petits et jeunes luttant dans ce monde morne et fade d'adulte.
Notre année de sixième se résuma à passer nos journées en cours ensemble, nos soirées chez l'un ou chez l'autre et nos mercredi à me faire visiter Toulon. Une année si pure qui respirait la joie alors que nous courions dans l'eau des plages du Mourillon pour éclabousser l'autre.
La mer fut mon premier amour. Je l'admirais. Elle était tout ce à quoi j'aspirais, un être libre qui agissait au gré des vents, ignorant l'avis des autres faisant simplement, ce qu'elle désirait.
Elle fut mon premier et tu fus le deuxième. Peut-être parce que sur beaucoup de points tu lui ressemblais. Tu étais un électron libre au plus grand dam de tes parents, tu agissais sans réfléchir et ignorais ce que les gens pouvaient penser de toi. Tu étais toujours souriant et là pour les autres.
Tout cela je le compris pendant mon année de cinquième. Du haut de mes 12 ans, je découvris alors la dureté des insultes homophobes. Bien sûr personne ne connaissait mon secret, encore moins toi, mais comme nous étions toujours ensemble, les mauvaises blagues partaient vite. Ces moqueries, qu'on disait drôles et enfantines, me blessaient pourtant et bien plus que je ne voulais te le montrer. Ces insultes ne semblaient pas t'atteindre et c'est sûrement pour ça que je me convainquis que mon amour était à sens unique.
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Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai
Short Story"Une cloche et un coin dans une cours. Voilà ce qui aurait pu résumer notre histoire." "Je pensais que les mots faisaient mal, mais en fait c'est ton silence qui me tue." "Je suis mort avec toi et pourtant, écoute mon cœur qui bat..." TW : Homophobi...