Prologue

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            Le soleil avait à peine fini de se coucher lorsqu'une douzaine d'enfants, tous d'âge, de taille, d'allure différente apparurent à l'orée d'un de ces petits villages rongés par la pauvreté et la misère. Souriants d'un air confiant, intelligent, noble ou tout simplement heureux, ils couraient, gambadaient tels des enfants normaux. Leurs rires cristallins éclataient dans la nuit tombante, se mélangeant au bruit fort et désagréable des portes qui claquent, des fenêtres qui se ferment, des supplications murmurées qui s'élèvent et disparaissent. Mais au fur et à mesure que leurs petits pas avançaient, pressés ou prenant en chasse des ombres qui fuyaient, le silence commençait à se poser, lentement, menaçant, allant au même rythme que le soir qui tombait. Et, alors qu'il n'y a même pas quelques heures, ce village misérable était rempli de vie, il ne restait, après le passage de cette bande bruyante qu'étaient ces enfants, plus une seule âme qui vive.

            Toute vie avait littéralement disparu, brûlée par les regards et les gestes innocents de ces quelques gamins insignifiants.

            Et puis, sans la moindre discrétion, ils se dirigèrent rapidement vers cette petite maison, au fin fond du village, que tous les villageois maudissaient. Elle était faite en une roche claire, contrastant avec la terre noire et morte sur laquelle elle était si confortablement bâtie. Et devant ses deux petites fenêtres sales se tenait en homme, grand mais effroyablement maigre, des épaisses et sombres cernes bordant ses yeux fatigués.

            «Papa ! Papa !» S'écrièrent aussitôt les enfants en l'apercevant, un large sourire éclairant leurs visages pâles.

            Ils s'élancèrent vers cet homme portant si fièrement une blouse blanche salie par quelques tâches écarlates, courant et s'approchant à grande vitesse, avant de brusquement tous s'arrêter. Curieux. Surpris. Confus.

            En effet, cet homme qu'ils considéraient comme leur père, était en train de parler, ou plutôt en train d'hocher la tête en plissant ses petits yeux cruels, alors qu'un sourire carnassier commençait à apparaître sur son visage maigre. Il parlait avec un autre homme, grand et musclé, habillé d'un bel costume et dont la cravate blanche luisait dans l'épaisse obscurité qui s'était installée.

            Leur père hocha la tête une nouvelle fois, l'air satisfait. Puis, saisissant rapidement l'épaisse liasse de billets verts que l'autre lui tendait, il adressa un bref regard à ses enfants avant de disparaître à l'intérieur de la maison dégringolée.

            «Dites, les enfants..., commença l'homme à la cravate blanche d'une voix rassurante. Mourrez-vous si on vous demande de mourir?

            Les gamins restèrent silencieux pendant un court moment, interloqués. Ils ne comprenaient pas cette question, si simple et étrange, ne comprenaient pas pourquoi cet inconnu leur demandait une chose pareille, ni pourquoi leur père avait si brusquement disparu. Et pourtant, ce nombre cruel de questions qu'ils étaient en train de se poser ne les empêcha pas de s'écrier, plus ou moins en même temps :

            «Ouaip !»

Coeur mécaniqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant