Une lune sanglante brillait derrière les branches noircies des arbres.
Un lapin brun, maigrichon, sa fourrure mince et déchirée laissant entrevoir des côtes saillantes, se tenait calmement sur ses deux pattes, les oreilles en avant, attentif et cherchant un brin d'herbe, de végétation poussant faiblement sur cette terre morte. Ses grands yeux noirs clignèrent, ses moustaches frémirent et il se remit en marche après un court instant, les restes qu'il avait trouvé il y a de cela deux jours lui permettant encore de vivre. Il était à l'affut. À l'affut d'un quelconque signe de vie, une quelconque étincelle de lumière dans cette nuit obscure, quelque chose, n'importe quoi, tout pour ne plus avoir à vivre dans ce silence pesant. Il allait, sautillait, lentement et lourdement, les muscles affaiblis et les pattes meurtries.
Puis il se figea.
En premier survint un cri. Un cri déchirant d'agonie, un cri effrayant et douloureux, un cri habituel pour ces bois morts. Une ombre fugitive courut, piétina le sol brûlé, trébucha sur une branche carbonisée et tomba, sa tête se fracassant lourdement contre une roche. Un râle, un long et épuisant soupir sortit d'entre ses lèvres et se répandit dans l'obscurité, tandis que des rires, des bruits de pas et des voix perdues s'approchèrent.
Une dizaine d'adolescents, tous d'âge, de taille, d'apparence, d'origine différente fixèrent en rigolant le cadavre, tandis que celui qui se tenait devant le groupe essuya sa main ensanglantée contre ses vêtements blancs. Un autre, un petit garçon ayant l'air d'avoir treize ans accourut, sautilla avec une légèreté incomparable, s'approcha joyeusement, gaiement de la personne assassinée. En se baissant, en sortant un couteau dont la lame argentée brillait d'un éclat froid et cruel, il découpa, avec une fièvre et une excitation d'enfant, une des oreilles de la victime.
Puis il s'exclama, s'étant relevé et affichant un grand sourire sur son visage vide :
-Fini ! Vous pensez qu'il sera content ?, demanda-t-il à ses frères en se retournant, en les fixant de ses grands yeux sombres.
-Il sera déjà plus fier de toi que d'Alice, plaisanta une de ses sœurs.
Le groupe éclata de rire, d'un rire mauvais et moqueur tandis qu'ils se tournèrent, tous d'un même mouvement organisé et synchronisé, vers la cible de leurs plaisanteries. Leurs yeux brutaux brillaient dans le noir, comme ceux des animaux et ils fixèrent, jugèrent, une d'entre eux, une fille aux longs cheveux noirs entretenus dans une queue de cheval, perchée dans le haut d'un arbre et qui les regardait, l'air mauvais ou intimidé.
Elle sauta et atterrit sur le sol gauchement.
-Seuls les lâches se cachent quand leurs camarades vont se battre, lança un autre garçon en lui jetant un coup d'œil.
-Je...je ne me cache pas.
Sa voix était tremblante mais son ton ferme, sévère, détaché peut-être, alors qu'elle souffla et qu'elle se retourna, en décidant ainsi de les ignorer. Mais ils continuèrent, continuèrent sur leur course, déterminés de la blesser, assoiffés de douleur tels des vampires, tels des chiens ou des loups. Ils continuèrent leurs rires, leurs moqueries, leurs paroles acérées tout en marchant, en bondissant légèrement, en tournoyant innocemment, leurs grands sourires blancs luisant dans les ombres épaisses et infinies de la nuit, leurs petits rires retentissant dans le silence profond et absurde de la forêt.
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Coeur mécanique
Ciencia Ficción«Mourrez-vous si on vous demande de mourir ?», avait demandé un jour un homme portant une cravate blanche. Quelle question stupide. Quelle question insensée. À quoi bon la poser ? Si on connaît déjà la réponse ! Mais Alice avait pourtant hésité. Ali...