✩ Felix est parti il y a trois ans. Chan pense à lui alors qu'il emprunte la ruelle dans laquelle ils avaient l'habitude de passer ensemble.
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Chan est submergé par les souvenirs alors qu'il emprunte la ruelle. Les images, les sons, les odeurs, tout lui revient en tête. Sa gorge se serre et il avale sa salive, il a l'impression qu'il va s'effondrer.Déjà trois ans que Felix est parti. Un jour, il n'est juste plus revenu en cours, il a disparu.
« La rue qu'on prenait tous les jours ensemble. » pense le garçon.
Il n'a jamais compris. Jamais compris pourquoi le blond l'a abandonné,jamais compris pourquoi il est parti sans un mot. Chan soupire, son anxiété prend le dessus à chaque fois qu'il passe par ici, surtout quand il arrive devant le vieux banc en bois, le seul de la rue,celui sur lequel ils s'asseyaient souvent. Il s'arrête. La nuit commence à tomber et les quelques lampadaires s'allument l'un après l'autre. Tous, sauf celui placé à côté du banc usé. Il s'assoit et ferme les yeux, se perdant encore une fois dans ses pensées.
« Arrête de penser à lui Chris, arrête de l'aimer. » se dit-il à lui-même.
Il se persuade, ouvre les yeux, mais rien n'a changé. Il l'aime toujours, même après tout ce temps. Ses yeux, ses tâches de rousseur, son rire, il a l'impression que ses souvenirs s'effacent peu à peu. Il se déteste encore un peu plus pour ça. Il aimerait se rappeler de la sensation de sa main dans la sienne, du goût qu'avaient ses lèvres et de son odeur quand il enfouissait son visage dans le cou du plus jeune, mais tout ça est loin.
« Tu me manques... » murmure le brun.
Bien que la ruelle soit éclairée, la nuit est particulièrement sombre.Chan lève la tête et observe le ciel, il est fatigué. Il ne peut plus continuer comme ça, il dort de moins en moins, saute de plus en plus de repas. Ses notes sont catastrophiques car il sèche la plupart de ses cours. Sa famille s'inquiète, ses amis s'inquiètent.Il faut dire que le garçon a beaucoup changé depuis l'incident.Physiquement, son visage est plus fin, ses abdos sont moins bien dessinés et ses côtes visibles, il a perdu beaucoup de poids.Mentalement, il est juste dévasté.
« Toi aussi tu me manques. »
Chan arrête de respirer, son corps entier tremble, il ne répond pas. Il reconnaît cette voix grave. Lentement, il pose son regard sur la personne à quelques mètres de lui. Son cœur rate un battement, ses yeux s'écarquillent puis se remplissent lentement de larmes. Le soulagement, l'excitation, la colère, ses sentiments se mélangent en lui. Il se lève soudainement et continu sa route, passant à côté du blond sans pour autant s'arrêter de marcher.
« Chris. »
Il s'arrête instantanément et déglutit, ses poings se serrent. Le garçon sent des mains entourer sa taille, le plus jeune se colle à lui, il se crispe. Il sent sa respiration dans son cou, cela le fait frissonner.
« Lâche-moi Felix. » souffle le brun.
« Chris. » répète-t-il, resserrant son emprise.
Chan craque, les larmes roulent maintenant librement sur ses joues.
« Tu m'as brisé, tu m'as tout pris, et tu reviens d'un coup ? »
« Je n'ai pas eu le choix. »
« N'essaye pas de me réconforter maintenant, c'est trop tard. »
« Regarde-moi. »
Felix attrape délicatement le poignet du brun et le tourne vers lui. Il pose ses yeux dans ceux du plus vieux, qui baisse alors la tête. Il prend doucement son visage entre ses mains, l'obligeant à soutenir son regard, et sourit.
« Il y a trois ans, quand mon père a appris pour nous, il nous a forcé à repartir en Australie. » commence Felix, mais Chan le coupe.
« Ne me mens pas, Felix, tu m'as déjà fait trop de mal. »
« C'est la stricte vérité Chris, il a fait en sorte que je ne puisse plus te contacter, par aucun moyen. » continu le blond. « J'ai travaillé dès que j'en ai eu l'occasion pour économiser et revenir ici de moi-même. Je suis reparti sans son accord, pour te retrouver.Pour toi Chris, pour nous. »
Les pleures de Chan ne s'arrêtent pas, il ferme les yeux. La colère a totalement disparu car il sait que le plus jeune ne lui ment pas, il le sait. Le blond essuie doucement ses larmes et l'entoure de ses bras pour le rapprocher de lui. Chan enfouie sa tête dans son cou et agrippe sa taille, de peur qu'il ne parte à nouveau. Felix laisse échapper un petit rire, il caresse lentement les cheveux du brun, il n'a pas changé.
« Je t'aime encore Chris. Je t'ai toujours aimé et je t'aimerai toujours. » Felix murmure.
Il se décolle de Chan, sourit à nouveau, et alors qu'il pose doucement ses lèvres sur celles de l'autre, le lampadaire du vieux banc se rallume, comme s'il n'avait jamais cessé de fonctionner.
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