Lotos

Depuis mon plus jeune âge, une passion incontestable est vouée par ma personne pour la mythologie. Ayant un père mordu d'histoire gréco-romaine antique, il m'a toujours versé de la poudre de sommeil grâce aux diverses aventures qui ont jalonné la mythologie grecque et romaine. S'il y a bien une histoire qui a marqué mon enfance et qui continue de me fasciner, elle n'est autre que l'épopée grecque antique splendidement écrit par Homère, l'Odyssée. Berçant mes nuits et attisant mes journées. Jamais une histoire ne m'avait tant séduite. Chaque jour je trépignais d'impatience d'enfoncer mon corps dans les bras de ma couverture et d'ouvrir grands mes yeux et mes oreilles afin de replonger dans le monde merveilleux de Ulysse et ses compagnons. Arrivé à l'adolescence, mon père avait cessé de m'accompagner dans l'épopée du guerrier grec, de mon côté j'avais continué à poursuivre ma lecture. Mon amour pour la mythologie grecque et romaine n'a jamais décrut, mis à part mes ouvrages mythologiques, quelques autres livres trônent dans ma bibliothèque cependant aucun ne m'a jamais su autant me transporté que l'Odyssée.

D'ailleurs il y a un passage qui m'a assidûment fasciné dans cette épopée, c'est la période où Ulysse et ses compagnons arrivent sur l'île des Lotophages, ou encore l'île des mangeurs de lotos, une plante dont la consommation apporterait l'oubli de soi et de ses origines. À partir de cet instant je me suis considéré comme un Lotophage. Étant moi-même un garçon qui oubliait facilement ce qu'il devait faire et un peu tête en l'air, je me sentais concerné. Et le plus intéressant, le lotus est ma fleur de prédilection. Lotos en grec.

Si mon père m'a transmis sa passion de la mythologie, ma mère quant à elle m'a légué son amour des fleurs, plus particulièrement celle du lotus. Je me rappelle encore de ses manipulations suaves lorsqu'elle tenait une fleur de lotus entre ses doigts. Celle qu'elle chérissait le plus était le lotus rouge, car pour ma mère cette dernière symbolisait toute la passion qu'elle éprouvait à l'égard de mon père. La voix de ma mère me caressait les oreilles lorsque, d'une voix douce et chaude, elle me racontait la façon dont mon père avait réussi à conquérir son cœur. Le tout dit en plongeant son regard sur les pétales rouges passion du lotus. Même si je connaissais cette histoire par cœur, mes oreilles ne s'en lassaient jamais.

Étant adolescent, je ne me trouvais guère séduisant, les cheveux tombant au ras du coup, des lunettes qui rendaient mes yeux plus petits qui ne les étaient déjà et un ventre rebelle qui avait fait vœu d'omniprésence, pour faire simple je me sentais à certains moments mal dans ma peau. Et d'une manière ou d'une autre ma mère arrivait toujours le remarquer, grâce à un sens qui n'est propre qu'aux parents, elle voyait quand j'étais bien ou inversement, malgré mes tentatives de dissimulations. Dans ces moments, nous partions tous les deux en province. À l'entrée du village prenait place un auguste champ de lotus. Certains n'étaient guère plus grands que mes genoux mais d'autres me surpassaient largement. On s'asseyait devant à même le sol et ma mère me prenait la main entre les siennes. Tout en contemplant les lotus elle me disait :

- Tu sais Luhan, un jour tu fleuriras comme le lotus. Regarde, d'une eau boueuse, fleurie une fleur belle et gracieuse. Il en sera de même pour toi. La beauté d'une personne n'est ce qu'elle représente mais ce qu'elle va engendrer de ses actes. Ne l'oublie jamais.

Même ces paroles étaient courtes, je voyais clairement ce que ma mère voulait me faire passer comme message. Cela me réchauffait le cœur, des fois quelques mots pertinents suffisent à toucher une personne. Après nous restions ainsi à regarder les lotus en silence durant une vingtaine minutes qui me semblaient paraître des heures, mais de merveilleuses heures de méditation. Ensuite on achetait des alvéoles de lotus séchées que l'on infusait et buvait à la maison en silence tout en me laissant bercer par le chant de ma mère.