Epilogue

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J'avais oublié cette sensation enfermé dans ma forteresse
Ce que c'était d'être désarmé devant sa propre détresse

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Je tourne sans but dans les rues de Los Santos. La journée est calme, et plusieurs membres du groupe sont absents. Ça me dérange, mais Miguel insiste sur l'importance de prendre du temps pour soi. Personnellement je pense que c'est une connerie. On est un gang. Notre vie est rythmée autour du biz, des braquages, les courses-poursuites, mais aussi des relations que l'on a. Tout peut se casser la gueule du jour au lendemain, il suffit qu'un autre membre de gang débarque à la villa pour nous tuer, ou bien les keufs, qu'on aura aucune défense si tout le monde s'est barré.

Pour moi, rejoindre un gang, c'est signer un pacte jusqu'à la mort, c'est mettre un terme à la vie normale, aux vacances, à la vie de couple, abandonner l'idée d'avoir des enfants, et surtout, ne plus penser de manière égoïste. On pense pour le groupe. C'est le seul mariage que j'accepte dans ma vie perso.

Donc les absences, c'est terminé. Si tu veux des vacances, tu prends un job dans le civil et tu ne casses pas les couilles.

Mais Miguel n'est pas de mon avis, et on s'est déjà pris la tête sur le sujet. Je me dis que je dois suivre son raisonnement et ses règles. Et voilà comment je me retrouve un samedi après-midi à tourner seul comme un con, parce que personne n'est là pour bosser. Et ça me fume.

Sauf que rester à la Villa... J'ai déjà mis les comptes à jour, et je n'ai pas spécialement de boulot en attente. Et d'autres activités nécessitent au moins la présence de deux ou trois personnes. J'ai donc sorti ma voiture et je tourne, musique à fond. Je ne sais pas combien de temps je roule. Quand les premières notes de « Danse Danse » envahissent l'habitacle, je freine d'un coup, et m'arrête au bord de la route, pris soudain d'une sensation étouffante que je n'arrive pas à déterminer.

Je garde les mains sur le volant, et je me laisse porter par la mélodie. Cette chanson, je ne l'avais pas entendu depuis... Elle.

Ça fait maintenant plusieurs semaines que c'est terminé avec Jade, ce matin où elle a quitté ma chambre brutalement, sans se retourner. Elle n'a pas cherché à revenir. Elle n'a pas envoyé de message, pas fait la moindre allusion. Pas de larme. Pas de scène. Elle est restée comme elle était avant que j'intervienne dans sa vie. Distante avec moi, mais présente pour le job. Froide avec moi, mais riant aux blagues des autres. Et je vois dans ses yeux bleu de glace quand elle est devant moi, à quel point elle est loin de nous tous.

Je pensais m'en foutre, j'espérais m'en foutre. Mais des semaines plus tard, je me demande encore pourquoi elle est venue vers moi, ce qu'elle a pu trouver. Et si, vraiment, tout ça a compté. Ou si c'était juste du vent, espérant obtenir autre chose. Je pourrais lui poser la question, mais j'appréhende une nouvelle discussion.

Mais surtout, alors que je pensais qu'elle reviendrait, j'ai surtout peur de céder, moi.

Je sors mon téléphone sans même m'en rendre compte, et je parcours ma messagerie. Je dois pas mal scroller pour arriver jusqu'à son prénom. On n'a pas échangé depuis... Cette nuit-là.

Ce serait mentir que de dire que je n'ai jamais ouvert ma messagerie avec la tentation de la faire revenir, certains soirs où, seul dans ma chambre, des flashs de sa présence me revenaient, des sensations... Mais j'ai conscience que c'est une connerie de chercher à la recontacter. Aussi bien si elle revient, que si elle ne revient pas. Je passerais pour un con. Et ça c'est bon, j'ai assez donné.

Je dois m'en tenir à ce que je me suis toujours dit. Marié au biz, et seulement au biz. Je range mon téléphone, pas spécialement calmé, mais sûr de prendre la bonne décision.

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