Chapitre 4

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Milly, 14 ans, mois de janvier

— Pourquoi tu ne prends pas exemple sur ta sœur, Virginia ? Regarde les résultats magnifiques qu'elle ramène à la maison, son comportement irréprochable au collège ! Pourquoi ne peux-tu pas être comme elle ?

Bras croisés, regard fixé au sol de la cuisine, j'écoute le sermon que ma mère fait à ma petite sœur en me mordant la lèvre. Elle a à peine douze ans mais elle est déjà incontrôlable et du haut de mes quatorze ans, je suis sûre que la comparer à moi et la rabaisser ne va pas la motiver à être plus sage, bien au contraire. J'ai d'ailleurs la sensation que les comparaisons que mes parents font entre nous ne nous aident pas à avoir une relation fraternelle, elles ne font que nous éloigner et pousse Ginni à me mépriser un peu plus chaque jour.

— Pourquoi vous m'avez fait, papa et toi, si c'est pour toujours me comparer à Milly ! J'en ai plus qu'assez d'entendre à quel point elle est parfaite ! crie ma sœur avec rage et dégoût. Je n'ai pas demandé à venir au monde, Barbara !

Les cris, voilà le nouveau mode de communication entre Virginia et nos parents. On vit dans les hurlements et les reproches quasiment toute la journée et c'est vraiment très épuisant. Et moi, je me retrouve au milieu sans savoir trop quoi dire ou comment agir. J'aimerais dire à ma sœur que je ne suis pas parfaite. Loin de là. C'est juste que j'ai un caractère plus calme que le sien et j'ai peut-être eu la chance de naître la première. Je n'ai pas à subir, comme elle, la comparaison avec une grande sœur. Je ne l'avouerai certainement jamais devant les parents, mais quelques fois, je la comprends. J'ai souvent essayé de lui parler ces derniers mois quand elle a commencé à devenir difficile, mais elle m'a toujours repoussé. Je pense qu'elle me déteste.

Ses agissements de plus en plus provocateurs ne m'aident pas à me ranger de son côté. Elle va beaucoup trop loin. Comme la fois où elle a insulté une professeure de salope. Le savon que papa lui a passé m'aurait fait pleurer si j'avais été à sa place, mais ma sœur est restée stoïque, le menton levé, ses yeux bleus, identiques aux miens, plongés dans ceux de notre père. Quand il a eu fini, elle a juste demandé s'il avait terminé et était montée dans sa chambre.

L'ambiance à la maison était donc très compliquée ainsi que nos relations à tous. J'aime ma sœur mais je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe d'amertume envers elle, et la blâmer, en partie, des tensions au sein de notre famille. Elle ne s'en rend certainement pas compte mais son attitude met nos parents à bout, je les entends discuter longuement le soir sur les mesures à prendre pour « la remettre sur le droit chemin » sans en trouver jamais de satisfaisantes. De mon côté, je me sens obligée d'être toujours irréprochable, que ce soit sur mes notes scolaires ou mon comportement. La dernière chose que je veux, c'est rajouter de l'inquiétude et une charge en plus aux parents. Ma sœur m'a enfermé dans ce rôle de fille aînée parfaite et sage, docile, que je n'ai jamais demandé.

Pour ce qui est de ma relation avec mon père et ma mère, je les aime, évidemment, mais je commence à en avoir marre d'être le drapeau qu'ils brandissent sous le nez de Virginia pour lui faire remarquer qu'elle ne serait jamais moi, et donc, jamais assez bien si on lisait entre les lignes. Mes propres parents me mettent sur un piédestal que je n'ai pas demandé et que je ne mérite pas. Pour être tout à fait honnête, j'aimerais avoir un peu de l'attitude rebelle de ma sœur dans certaines situations, je ne pouvais juste pas me le permettre. Je voulais être moi, mais je ne le pouvais pas.

Ma mère pousse un soupir las. Elle est déjà à bout alors qu'elle n'a échangé que quelques mots avec Ginni.

— Monte dans ta chambre.

Ma sœur nous lance un regard haineux avant de disparaître d'un pas furieux dans les escaliers.

— Maman, tu... tu ne crois pas... pas que...

It Was Just A Kiss Où les histoires vivent. Découvrez maintenant