Comme chaque soir, j'étais devant le bar "Ménestrels", mon lieu de détente favori. Ouvert de six heures à deux heures , c'était un lieu de rencontres, de rendez vous et de folles soirées. A l'intérieur, des box en bois clair, aux dossiers garnis d'une luxuriante végétation . Aux murs, d'autres plantes, des centaines de livres, des quotidiens du monde, des jeux de société. Au centre, une estrade escamotable : chaque soir, chanteurs, musiciens, groupes… tentaient de s'y faire un nom.
Perchée sur mes escarpins, ma petite robe d'été, en organza blanche, voletant autour de mes cuisses, je revivais pour la sempiternelle fois les dernières minutes de ma vie.
Comme chaque soir, j'entendais le coup de feu, les cris, la panique.
Comme chaque soir, surprise, je m'affalais sur le trottoir et regardais la rose carmin naître et grandir sur ma poitrine, jusqu'à ce que je sois de nouveau debout sur le trottoir, et que mon dernier souffle emporte mon corps !
J'avais tout essayé, Chaque soir, peu avant la fermeture , je revenais sur ce trottoir, incapable d'aller ailleurs qu'au ménestrel, où je passait ma journée. Après trente ans de ce manège infernal j'étais devenu une experte et avait découvert comment sortir de ce lieu : en empruntant le corps d'une personne du bar ! Ça ne s'était pas fait en un jour, mais plus personne n'était conscient de ma présence quand je m'incrustais.
A défaut de vivre ma vie, je vivais intensément, pendant quelques heures, celle des autres !
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Tranches de vie
General FictionJ'avais 20 ans quand la mort m'a fauché, sur le trottoir, devant mon bar favori. 30 ans plus tard j'y erre toujours mais maintenant je peux emprunter incognito le corps de ses visiteurs. Chaque soir je vis par procuration la vie d'un des clients. Qu...