Entre ombres et lumière T1 (MxM)

Chapitre 38

Une pluie torrentielle frappait la Cité des Lumières. Un vent violent balayait les rues dans un sifflement sinistre. L'orage illuminait les chambres de la maison par intermittence.

Takeshi se réveilla en sursaut lorsque la foudre scinda les cieux. Il se redressa en haletant. Venait-il encore de rêver ? L'angoisse était spéciale, cette fois. Cette voix grave et menaçante était-elle le simple mugissement de l'orage ? Pétrifié sur le lit, il examina anxieusement la pièce entre deux éclairs. Il aurait pu jurer que cette voix appartenait à un être bien réel, similaire à celui de ses pires cauchemars. Il se rallongea lentement sur le matelas et glissa ses doigts dans ses cheveux lâches. Inspirer, expirer.

D'ordinaire, il arrivait à reprendre son calme, pourquoi son cœur battait-il donc encore si fort dans sa poitrine ? Il était incapable de fermer les yeux sans les rouvrir en grand quelques secondes plus tard. Sa cage thoracique était lourde, il avait la sensation de suffoquer, que l'obscurité était prête à lui sauter à la gorge.

— Cauchemar ? marmonna Kaito en se retournant sur le dos.

Takeshi émit un son étranglé.

— Viens là.

Il ouvrit les bras et Takeshi partit se réfugier contre son torse chaud, le nez fourré dans son cou. Son odeur boisée, habituellement si apaisante, n'eut aucun effet. Son cœur poursuivait sa chamade enfiévrée et l'hostilité dans l'air devenait de plus en plus palpable. Il ferma fort les yeux, tentant d'ignorer l'horreur. Kaito finit par baisser un regard soucieux sur lui.

— Takeshi, est-ce que tu vas bien ?

— Non, je...

— Il a toutes les raisons de ne pas aller bien.

Les garçons firent un bond. Kaito se jeta sur son sabre et le brandit dans l'obscurité.

— Qui est là ?!

Un éclair révéla cinq silhouettes, postées au centre de la pièce. Kaito libéra de sa paume gauche une essence bleutée qui tamisa les lieux et leur permis de discerner les corps. Un homme se détacha du groupe pour s'avancer vers eux. Malgré la pénombre et sous la large capuche de son manteau sombre, cet individu à la carrure fière n'avait rien d'un banal guerrier.

— Vous êtes...

Kaito manqua de lâcher son sabre.

— Tsubasa Hatano...

Takeshi était pétrifié. Cet homme possédait la même aura d'horreur que celle de ses cauchemars. Et aujourd'hui, elle était bien réelle.

— Pourquoi cherchez-vous à m'enlever ? s'écria le prince, debout sur le futon.

— Pourquoi ? Tu oses me demander pourquoi ? s'irrita Tsubasa.

Une idée germa soudain dans l'esprit du chef de clan. Kazuhiro avait sans doute caché l'identité de Takeshi afin de ne pas faire resurgir le passé et briser son image si parfaite. Le mensonge coulait dans ses veines tout autant que dans les siennes, et aucun d'entre eux – Yuna incluse – ne tenait à révéler les lourds secrets qu'ils avaient mis tant d'ardeurs à enfouir. Il sourit malicieusement.

— Tu ne connais vraiment pas les raisons de ma présence, prince Kimura ?

— Non !

Tsubasa lâcha un rire franc, le rire d'un démon imprévisible. L'obscurité semblait s'animer au rythme de ses humeurs, noirceur volatile. Kaito frémit. Il réalisait en ce moment que Ken Musashi ne l'avait jamais rendu aussi nerveux que cet homme. Et nul besoin d'action, ce sourire seul se suffisait comme inspiration du mal. Tsubasa Hatano était le maître de la nuit. Si Kaito avait toujours cru en sa propre puissance sans faillir, la peur prenait ce soir forme humaine pour la première fois de sa vie.