𝐎

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d r o w n i n g

j'étais forte. c'était un fait.

évidemment, je ne parlais pas de force synonyme à la puissance, ici. bien que j'arrivais à tenir tête à mon petit frère de treize ans - j'en avais dix-sept - par le biais de mes petits bras, tout adversaire doté d'un gramme supplémentaire de muscles me coucherait sur le tapis.

la force dont je parlais, c'était celle qui me poussait à affronter le monde extérieur. celui qui jugeait mes moindres faits et gestes, celui qui serrait si fort ma gorge que je ne respirais plus l'air frais.

c'était très handicapant, d'avoir peur du dehors.

mais je m'y faisais, lentement. j'acceptais ma présence au milieu de la nature, même si elle était construite par les briques. la peur était toujours là, guettant dans l'ombre, et elle gagnait de nombreuses batailles, me laissant amoindri d'efforts.

je ripostais, parfois. mais ça n'en valait pas vraiment le coup.

spencer était forte. c'était un fait.

spencer se fichait de savoir si elle pouvait égaler muhammad ali sur un ring, tout ce qu'elle souhaitait, c'était de pouvoir posséder une pincée des efforts qu'il avait perpétrés dans l'intégralité de sa carrière, et de même sa vie privée.

spencer était effrayée par ce à quoi le boxeur se remettait, à cause de la célébrité. le monde. les gens. les phrases. les moqueries. les critiques, autant positives que négatives d'ailleurs.

tout ce à quoi s'exposait l'être humain lorsqu'il délaissait l'enclos de ses quatre murs pour la liberté d'une sortie en plein air.

spencer avait peur du dehors, mais pas que ; elle avait peur d'être exposée.

son corps frêle,

à la vue de tous.

ses chutes récurantes,

devant les autres.

sa graisse imaginée,

exposée au monde.

spencer avait peur de l'extérieur, certes. mais spencer nourrissait une peur bien plus importante pour les créatures qui la peuplaient, cette planète.

elle luttait pour y mettre un pied,

l'un après l'autre,

mais d'un regard, d'une seule - simple - oeillade, les gens anéantissaient ses efforts, et lui ajoutaient des défaites, des échecs personnels.

spencer reculait, retournait se cacher entre ses quatre murs si confortables.

spencer était forte, pas comme on l'imaginait,

mais,

spencer se noyait.

drowningOù les histoires vivent. Découvrez maintenant