Chapitre 1

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Niall savait qu'il était différent. Bien que ce mot, somme-toute, ne veuille dire grand chose. En effet, ne sommes-nous pas justement tous différents? N'est-ce-pas cela qui constitue notre planète bleue? Des êtres différents, mais pourtant si semblables ? Oh, bien sûr, il possédait deux bras, deux jambes, deux yeux, un nez, une bouche et tous les caractères physiques que l'on peut retrouver chez un collégien de 14 ans. Non, sur ce plan là, Niall n'avait vraiment rien de spécial. C'était plutôt du côté moral que Niall ne se sentait pas identique aux jeunes garçons de son âge. N'ayant jamais connu son père, mort dès son plus jeune âge, et ne possédant qu'une sœur , Niall avait grandi dans une petite maison située à la campagne dans un univers strictement féminin, composé de son aînée et de sa mère. Ces deux-là ne pouvaient pas s'entendre. Il ne se passait un jour sans qu'une dispute éclate dans le foyer familial. Niall détestait cette situation. Il haïssait le fait de ne pas avoir de modèle masculin qui pourrait le guider. Il haïssait les cris stridents qui lui résonnaient dans les oreilles le soir quand il tentait de s'endormir en pleurant sur son oreiller. Il haïssait sa mère et sa sœur qui ne se souciaient pas de si cette situation était supportable ou non pour lui, qui ne s'inquiétaient pas de savoir s'il allait bien ou non. Niall savait qu'il n'allait pas bien. Au collège, ses camarades le méprisait, le prenait pour un être sans sentiments sur lequel ils pouvaient déverser toute la rancœur qu'un collégien peut contenir, ce genre d'être dont vous n'imaginez pas qu'il puisse ressentir quoi que ce soit, ce genre d'être dont personne ne veut être l'ami, car on sait que si on fait l'erreur de lui apporter un brin de soutien, on deviendra la nouvelle risée de ce qui pour nous est le monde entier à cet âge là. Et nous ne voulons pas devenir lui, donc nous nous taisons, et laissons passer les choses, et en remerciant le ciel de ne pas être cette personne, en le remerciant de nous avoir donné une vie meilleur qu'à lui.

Tient, voilà une nouvelle chose que Niall détestait. Tout ces camarades qui prétendait ne pas voir sa souffrance, et qui au contraire faisaient tout pour l'empirer. Niall savait qu'il devrait en parler à quelqu'un, un professeur, un surveillant, ou même la principale de son collège, mais il ne leur faisait pas assez confiance. A vrai dire, il n'avait pas vraiment confiance en qui que ce soit. Oh, bien sûr, les professeurs ne se seraient jamais moqués de lui, il en était certain, mais Niall était effrayé à l'idée d'un rejet. S'il y a bien une chose que ces quatorze années sur Terre lui avaient appris, c'est que nous avons tous des problèmes chez nous, seulement la plupart du temps nous les gardons pour nous, nous ne les faisons pas partager ayant peur des regards qui suivront nos aveux. Peut-être que les professeurs pourraient l'aider, mais cela serait un fardeau pour eux, une charge dont ils se passaient très bien. L'adolescent ne s'imaginait que trop bien à quel point les enseignants seraient excédés de voir une nouvelle tâche s'additionner à la pile de leur travail à faire. Car, au plus profond de lui, la seule impression que lui donnaient ses instituteurs, impression basée sur leurs propres paroles, était qu'ils restaient bien indifférents à ce qui se passait en dehors de leur salle de classe. Niall avait également peur que parler ne fasse qu'empirer les choses. Il s'imaginait déjà les insultes qui siffleraient sur son passage entre deux croches-pattes s'il avait la faiblesse d'avouer qu'il n'était qu'un être humain semblable à tous, doté de sentiment. Et puis de toute façon, il était différent. Il ne pouvait concevoir ressentir de la joie en faisant du mal à quelqu'un. Il ne comprenait pas pourquoi tous les jeunes garçons de son âge aimaient tellement jouer au foot ou au rugby, s'amusaient au jeux vidéos, portaient tous les mêmes vêtements, passaient leur temps libre sur les réseaux sociaux... Non. Définitivement, Niall n'aimerait jamais ces choses là. Il avait ses propres passions, et c'est cela qui le rendait étranger à tous ses acolytes, mais il ne pourrait se résoudre à abandonner la lecture et la musique pour se fondre dans la masse. Il n'était même pas sur que ça marcherait s'il tentait. Alors il restait lui, il s'était toujours promis de ne jamais changer pour qui que se soit, peu importe les circonstances. Il est, et restera toujours intègre à lui-même. De toute façon, jamais il ne pourrait arrêter de lire, c'était devenu une addiction. Dès que ça n'allait pas, et ça allait rarement en ce moment,il se plongeait dans un roman. Il ne savait d'où lui venait cette adoration pour les livres, mais ceux-ci avaient toujours été une part de lui, dès son plus jeune âge, tout comme les chansons. Il aimait particulièrement les vieilles musiques, celles qui rendent nostalgique. Ces deux activités l'aidaient à s'évader, à s'inventer une vie parfaite, loin de tous les petits problèmes qui font de la vie une épreuve.



Lorsqu'il se réveilla le matin de son 15ème anniversaire, il se sentait étrangement de très bonne humeur. La veille au soir, il avait fini un roman, enfin, pas n'importe lequel, c'était son roman préféré,qu'il avait lu une bonne vingtaine de fois, dix-huit pour être exact. Une œuvre imaginaire mettant en scène des personnages mis-humains mis-lions. Sans qu'il ne sâche pourquoi, ces animaux sauvages l'avaient toujours fasciné.

C'est donc pour la première fois depuis longtemps qu'il arriva serein au collège, ne pouvant tout de même empêcher le petit pincement au cœur. Son premier cours, anglais, sa matière préférée, se passa étrangement bien. Pas d'insultes chuchotées, pas de rigolades dans son dos, pas de bouteille d'eau renversée sur ses cahiers, une fille lui avait même adressé la parole. Bon, d'accord, elle lui demandait s'il n'avait pas un crayon à lui prêter, mais c'était toujours un bon début.

Don't Let Them Enter Your MindOù les histoires vivent. Découvrez maintenant