Chapitre 1

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Les étendards déchirés flottaient pauvrement dans un vent qui apporte la poussière d'un champ de bataille dévasté. Où sont passées les centaines de lances brandies avec fierté sous un soleil flamboyant comme le cœur des soldats ? Où sont passés les échos des cris de guerre, résonnant en chœur avec la cacophonie des hommes et des chevaux s'avançant remplir leur devoir ? Ils ont été emportés en même temps que les flèches sifflant dans le ciel, détruisant les boucliers dans des éclats de bois et d'acier, ils ont étés emportés avec les cris d'agonie et la terre gorgée de sang provenant des trois races: Humains, Naustari et Varalië.

Erwan se réveilla en sursaut. Le bruit des éclats d'épées et de cris se dissipèrent lentement dans la chambre, laissant le jeune homme haletant, les oreilles bourdonnant. Seul son cœur tambourinant dans sa poitrine et sa respiration saccadée se faisaient entendre à présent. Légèrement tremblant, il essuya de sa main les gouttes de sueur qui perlaient sur son front. Elle n'était plus couverte de sang, seulement de quelques reliefs de cicatrices. Il soupira lourdement en se détendant un peu. Des bouffées de chaleur le forcèrent à s'extirper de ses couvertures pour rejoindre la fenêtre. Il frissonna en l'ouvrant, laissant le vent hivernal s'engouffrer dans sa chambre. Son souffle se dissipa en buée dans l'air frais de la nuit.

Son regard s'égara dans l'obscurité du ciel où de lourds nuages couvrant les étoiles s'amassaient à l'horizon. Une tempête s'annonçait au loin. Une demi-lune brillait malgré tout, éclairant de son éclat glacé la dense forêt de sapins qui dévalait le flanc de la montagne.

Mais elle semblait éclairer quelque chose d'autre. Erwan se pencha pour mieux voir la silhouette qui filait à toute allure à peine perceptible dans le ciel sombre. Un aigle ? Ses doutes se ravisèrent lorsqu'un semblant de tête et torse complétaient la silhouette. Ses interrogations doublèrent lorsque celle-ci cassa la ligne qu'elle parcourait pour diminuer de hauteur. Erwan s'aperçut qu'elle était en train de chuter et disparu dans l'ombre de la forêt.

Erwan fixa encore quelques secondes le lieu de sa chute, attendant presque que quelque chose d'autre se passe. Mais la nuit avait repris son état habituel et seulement la brise du vent se fit entendre.

Cette vision était-elle seulement un reste de ses rêves ? Déconcerté, le jeune homme recula de quelques pas sans détacher son regard du ciel. Non, il n'avait pas déliré, il croyait en ce qu'il avait vu. Et s'il avait raison, alors il devait en avoir le cœur net.

Il attrapa sa cape et une lanterne qui avait vu de meilleurs jours et s'apprêta à dévaler les escaliers mais un éclat métallique attira son attention. La faible lumière qu'il tenait se reflétait sur le pommeau de l'épée. Il s'arrêta pour l'observer, hésita une seconde et la prit avec une certaine appréhension. Sans vouloir plus s'attarder, il sortit finalement dans la nuit.

Le vent s'engouffra sans pitié dans ses vêtements et mordit sa peau l'instant même où il mit un pied dehors. Il ne neigeait pas mais l'épaisse couche de neige qui s'infiltrait dans ses bottes suffisait à ralentir ses pas. Il ne put s'empêcher de maugréer en pensant à la pente qu'il allait devoir monter au retour. Il n'était heureusement pas loin et finit par arriver à la lisière de la forêt.

La faible lumière jaunâtre de la lanterne faisait s'étirer les ombres sinistres dans la neige. L'agitation des branches dans le vent était la seule source de bruit, avec les éventuels bruits d'animaux nocturnes. Erwan frissonna et leva le regard. Le ciel avait disparu au-dessus de la masse désordonnée des arbres. Bien que le vent se fût calmé, il rencontra des difficultés à se faire un chemin à travers les racines et les autres fossés recouverts par la neige. La forêt n'était pas accueillante de jour, elle l'était encore moins de nuit. Un bruit attira son attention. Un froissement de feuilles ? Ça devait venir de par là... avant même qu'Erwan ne puisse faire un pas de plus, il sentit son pied s'enfoncer dans le vide et dégringola d'un fossé en un souffle, faisant tomber sa lanterne avec fracas. Il se releva en maugréant, à présent complètement dans le noir. Son juron résonna dans la nuit.

Ses yeux finirent par s'habituer à l'obscurité, découvrant la faible lueur de la lune qui s'infiltrait à travers les arbres qui se faisaient moins nombreux. Sa respiration s'apaisa légèrement alors que sa main trouva le pommeau de son épée. Il était en sécurité, mais où était passée sa lanterne ? En la cherchant du regard, il ne put s'empêcher de ramasser quelque chose qui avait attiré son attention. Une plume ? Il tressaillit en apercevant le sang moite qui la maculait. D'autres étaient éparpillées dans la neige et un frisson d'horreur le parcouru lorsqu'il découvrit une paire d'ailes gésir dans la neige. Et avec ces ailes il y avait un corps. Un corps d'enfant. 

Chroniques d'EldarenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant