Prologue

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[10 ans plus tôt]

Vous êtes vous déjà réveillé un matin, en sursaut, de façon très brutale, avec des sueurs parce que vous pensiez tomber dans un immense trou noir? Que vous pensiez tomber dans le vide? Le néant? Je suis sure que oui. Cette sensation tout le monde l'a vécu déjà au moins une fois dans sa vie sans vraiment pouvoir l'expliquer.

Selon des neurologues, il s'agirait d'un décalage entre l'endormissement des muscles et celui du cerveau lorsque l'on passe du sommeil léger à profond. Cependant, si le relâchement des muscles est plus rapide que celui du cerveau, celui-ci aura l'impression de tomber, de perdre le contrôle et enverra une décharge pour contracter les muscles ... enfin ... c'est ce que dis Wikipédia.

Cette sensation m'arrive très fréquemment, beaucoup plus souvent ces derniers temps. Il faut dire avec tout ce qu'il se passe dans ma vie c'est assez logique qu'il y ait un décalage entre mon cerveau et ... tout le reste en fait.

Beaucoup de chose se sont produites en un laps de temps extrêmement court. Tellement court que je n'arrivais pas à passer à autre chose, à penser à autre chose. En fait, j'étais comme qui dirait emprisonnée entre le passé et le présent. Une pandémie mondiale, une rupture et abandon en « temps de guerre », la mort de mon tout premier animal de compagnie, un conflit qui a brisé ma relation avec ma sœur, des déceptions, de la distance, un changement de travail, l'abandon de ma mère au moment où j'en avais le plus besoin, la perte d'un enfant, le financier qui coule, ma meilleure amie qui me laisse tomber à son tour, un autre changement de travail, et le dernier mais pas des moindres, l'abandon de mon petit ami après un mariage et des semaines à me faire ghoster.

J'ai tout essayé. J'ai lutté.

Cette nuit, je me suis réveillée à nouveau en sursaut, en sueur, essoufflée. Quand j'eus finis de reprendre mon souffle et de regagner mes esprits savez-vous ce qu'a été mon premier sentiment? La première chose que j'ai ressenti après être « tomber » dans le vide?
De la déception. J'étais déçu.

Cette nuit, je ne suis pas « tombée » dans le vide. Non. Cette nuit, j'ai « sautée », volontairement. Et j'en étais même venue à y réfléchir, assez sérieusement. Et j'en étais venue à une conclusion. Si je n'arrivais pas à faire de ma vie quelque chose qui en vaille la peine, si je n'arrivais tout simplement pas à vivre une vie, juste vivre ... j'allais faire en sorte d'avoir une vraie mort. Pas sauter d'un pont, me jeter sous des rails, prendre des médocs ou me tailler les veines. Non. Cette nuit j'avais pris ma décision.

Pardonnez moi si ce prologue vous fait suer, si vous espériez voir de quelle façon j'allais me transformer en femme forte après avoir été détruite par la vie. Cette femme là était fatiguée, et il était temps pour elle de tirer sa révérence.

Cette nuit j'avais donc pris ma décision.

Je pris les clés de ma voiture, une vieille voiture bordeaux délavée quasi épave. La rouille rongeait depuis une dizaine d'années la carrosserie du véhicule.  Ce tas de boue était presque plus vieux que moi. Quasiment cinq cent milles kilomètres au compteur c'était dire à quel point elle en avait vu du paysage. Clairement plus que je n'en verrais jamais.

Je mis cinq bonnes minutes à tenter en vain de démarrer ce débris avant qu'elle ne daigne donner un dernier signe de vie. Le moteur gronda dans ce qui semblait être un dernier démarrage avant la fin. Elle aussi, visiblement, rendrait son dernier souffle ce soir.

Après une centaine de kilomètres dans le silence le plus totale, à m'écouter me convaincre que c'était ce que je voulais. À rêver du silence, du calme, de la paix.

« Nous y sommes, » soufflais-je doucement.

Je garais ma voiture dans un sentier à l'abris des regards et m'assurant qu'il n'y ait âmes qui vivent pouvant me dissuader ou pire ... me sauver. Rien. Seulement un chantier abandonné depuis des années au loins. Nous étions au niveau d'un vieux pont utiliser seulement par les animaux. 

La vue d'ici était incroyable en pleine nuit. Le ciel était dégagé, la pleine lune éclairé suffisamment le ciel pour que je puisse distinguer le paysage et y voir autant que si j'avais une lampe torche. Les étoiles ... brillaient de milles feux, elles étaient magnifiques.

Je me dirigeais sur le pont tout en admirant les étoiles et le ciel. Le bruit des grillons et de l'eau qui coulait était assez apaisant pour que je puisse partir en paix. Le silence de la nature m'étaient suffisant. J'avais choisi un barrage au beau milieu de nul part. Ici, le temps semblait s'écouler au bruit de l'eau. 

Ma vie avait été un enfer cela devait s'arrêter. Je n'en pouvais plus de subir tout cela. C'était atroce, ce sentiment de culpabilité, de rejet, d'abandon, de solitude. Perdre mon enfant, mon mari, mon travail ... c'était trop ... la peine et la souffrance étaient trop dur à supporter je n'en pouvais plus. Cela devait s'arrêter pour de bon.

J'enjambais les barrières de sécurité et grimpais sur les rebords du barrage. En regardant en bas je me mis à exploser de rire. J'étais pitoyable. Je riais et pleurais. J'étais épuisée de vivre et je savais que j'allais enfin être soulager. En songeant à la souffrance que j'avais vécu et ressenti durant les derniers mois et les dernières années, j'essayais les larmes de mon visage en soupirant.

« Ne sautes pas! fit une voix masculine assez éloignée mais suffisamment proche pour que je l'entende.
- Ne sautes pas, insista-t-il plus calmement. »

Une ombre se rapprocha, la reliant à la voix qui voulait m'empêcher de commettre l'irréparable.

« Ne sautes pas, ce serait du gâchis, continua-t-il. »

Du gâchis? Pensais-je. S'il savait.
Il s'avança doucement vers moi en me tendant la main. Comme si j'allais être assez stupide pour lui sauter dans les bras en l'appelant mon sauveur. Cependant il ne manquait pas de charmes. C'était un homme très séduisant et son regard était doux et pleins de compassion mélangé à de l'inquiétude.

J'avais pris ma décision. Mais pendant une seconde il me fit hésiter. Hésiter jusqu'à ce qu'il ne prononce ces quelques mots:

« Penses à ta famille et tes amis ... imagines ce qu'ils pourraient penser ... »

J'effaçais la dernière larme qui roula sur ma joue avant de lui sourire. Je m'avançais vers le vide et je fermais les yeux avant de sauter.

« NON! » s'écria l'homme derrière moi.

Mon corps balançait dans le vide. Je regardais en bas avant de rediriger mon regard vers l'homme qui venait de me sauver. Mes yeux rencontrèrent les siens. Il était d'une beauté à couper le souffle. De l'incompréhension se lier sur son visage. Il me tenait fermement le bras. Je posais ma main sur la sienne avant de tenter de me libérer de son emprise. Quand il eut compris ce que je tentais de faire il me releva d'une facilitée alarmante.

« Certainement pas! C'est pas aujourd'hui que tu te jètera de ce barrage. »

L'adrénaline venait de retomber et mon corps n'avait visiblement pas supporter l'attraction de celui-ci vers le sol. Ce fut les derniers mots que j'entendais avant de tomber dans les pommes; ainsi que la vision de ses yeux plongeait dans les miens.

Same Old MistakesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant