Ethan ( titre provisoire )

Partie 1

20h12- 21h17

Lucie dansait sur de la vieille pop française en galochant Maxime, qui l'enlaçait comme si la salle n'était pas pleine de jeunes adultes éméchés, et Ethan, enfoncé au fond du canapé, les regardait d'un œil vitreux et dégoutté. Ses mains trituraient machinalement la fourrure emmêlé du chaton, venu se vautrer sur ses genoux une bonne heure auparavant. Personne ne semblait se soucier de son mutisme et de son immobilité. Un meuble, ou presque. Le monde lui faisait tourner la tête, si bien qu'il aurait été incapable de lever ses fesses du divan. Le chat l'en empêchait, de toute façon. Il plissa du nez, la salle empestait le rhum. Il ne supportait plus cette odeur depuis sa première cuite. Ethan était à cette époque en terminale, et il avait voulu noyer son chagrin dans l'alcool après une rupture. Quelque chose de volontairement cliché. Écouter de la musique triste en buvant des shots et en dansant, pleurer et chanter en même temps, finir une bouteille et la vomir quelques minutes plus tard la tête plongée au fond des toilettes. Voilà ce qu'il attendait, et c'est exactement ce qu'il avait fait. Mais il en avait tiré une répulsion pour certains alcools.

« Tu veux un verre ? » Lui cria presque Luc, depuis l'autre bout du canapé.

-- Vodka orange ! Lança Ethan d'un ton exclamatif parfait, enjoué et jovial.

-- Je te fais ça mon pote, répondit le grand blond.

Ethan ne se rendait jamais aux soirées pour passer du bon temps avec ses amis. Il le faisait pour tenter d'échapper à son esprit, avec comme moyen d'y parvenir, l'action d'ingérer une grande quantité de vodka orange. Mais si le fait de boire beaucoup le rendait malade et le faisait vomir ses tripes, jamais il ne réussissait à échapper à son cerveau trop rempli. Un cerveau qui lui donnait le tournis, et qui à force de pensées trop lourdes, lui clouait le cul à ce divan. Une main lui tapa sur l'épaule, le faisant sursauter, entraînant la fuite du chaton. Il se retourna vers la source de cette horrible approche. Vincent. Super. Le gigantesque rubgyman aux mains de maçon. Celui qu'Ethan ne comprenait toujours pas comme étant dans leur groupe d'ami.

« Eh mec, j'espère que t'es prêt à te bourrer la gueule ! Parce que tout le monde ici attend de te voir déchiré ! Et pour ça, quoi de mieux qu'un bon vieux d'alcool ? »

D'habitude, Ethan aimait les jeux d'alcool. Ça rendait le fait de boire plus marrant, et une fois sur deux, il se prenait tellement au jeux qu'il faisait tout pour ne pas boire. Résultat, il n'était jamais bourré. Mais ce soir, rien ne lui donnait envie, et surtout pas répondre à des questions stupides. Son visage devait en dire long sur ses pensées, car Vincent s'exclama :

« T'as pas le choix mec, t'y échappera pas ! »

C'est à ce moment là que Luc lui tendit le fameux verre de vodka orange. C'était un piège.

« Tout le monde est servi ? »

Quelques retardataires remplirent leurs verres, et vinrent s'asseoir autour de la table basse. Ethan se sentait observé, comme une femme au milieu d'une bande de mecs. Un sentiment qu'il n'avait pas ressenti depuis très longtemps. Vincent s'exclama le premier :

« Je n'ai jamais...trompé mon partenaire ! Si tu l'as déjà fait, tu bois ! Et oui Ethan je te vois, ton mec est pas là alors tu peux avouer, personne dira rien. »

Il n'avait évidemment jamais trompé son partenaire. Il observa les quelques coupables boire un coup, et ça le fit doucement sourire.

La plupart des questions suivantes furent plutôt sans intérêt. Il bu quand on demanda qui s'était déjà vomi dessus en soirée, et qui s'était déjà drogué avant de baiser. Sur ce dernier point, il avait un peu honte, surtout quand il devait s'avouer à lui même que c'était une des seules fois où il avait vraiment apprécié faire du sexe. Mais ça, il n'était pas obligé de le dire aux autres. Il n'avait qu'à boire, et se taire. Le jeu continuait, et Ethan se sentait de plus en plus loin. Comme si une barrière se formait entre lui et les autres, comme si quelque chose l'attirait vers le fond. Encore ce sentiment insupportable de se noyer. De couler, en observant tout le monde rire à la surface. Pourquoi ne pouvait-il pas être avec eux, normalement ? S'amuser, profiter de l'instant présent ? Le monde commençait à tourner autour de lui, et il savait que ce n'était pas l'alcool. Son verre était encore presque plein. Et puis vint la question. Une question stupide, qui faisait marrer les homophobes de la pièce, qui faisait glousser les plus timides. Qui retourna le bide d'Ethan.