Chaque matin, Andong se réveille lentement, comme une vieille horloge rouillée qui peine à faire résonner ses aiguilles. La lumière du jour s'insinue à travers les fissures des volets, peignant des bandes dorées sur le sol poussiéreux des rues. Le fleuve Nakdong, qui serpente tel un serpent paresseux autour de la ville, reflète le ciel gris-bleu, et les montagnes, hérissées de pins, semblent veiller sur cette cité où le temps se fige.Je sortais chez moi, empruntant la même rue, le même chemin, comme un automaton programmé pour vivre cette routine sans fin. Les pavés, usés par le passage des années, connaissent par cœur l'empreinte de mes pas. À cette heure matinale, tout est calme, presque trop calme. L'air pue l'ennui. Je croise la dame enroulée dans son manteau clair, son petit chien qui tire en avant, impatient de sentir le monde. Chaque jour, leurs silhouettes deviennent moins égales aux autres ; elles se muent en ombres familières, des échos d'une existence qui ne m'appartient pas.
Un peu plus loin, je distingue le boucher qui tire sur les stores de son échoppe. L'odeur de viande fraîche envahit l'espace, mais je ne peux m'empêcher de penser que cela n'est qu'un autre aspect de la monotonie ambiante. Et puis, il y a les deux filles qui surgissent de la ruelle à gauche. Le bruit de leurs voix s'infiltre dans mon esprit comme un refrain désagréable. Elles papotent à propos de banalités que j'ai fini par apprendre par cœur, des récits de week-ends à passer devant des écrans, des photos à publier pour des « j'aime » virtuels. Un jeune homme traverse la rue, payant peu d'attention à son environnement, et se joint à elles, comme un personnage secondaire d'un film ennuyeux dont je ne voudrais jamais être le protagoniste.
Tous les jours, cette ronde s'exécute dans un ballet prévisible, et je me surprends parfois à me demande si ma vie est un cirque dont je suis condamné à être le spectateur. L'horloge tourne, je me rends compte que chaque seconde s'étire comme un chewing-gum mâché trop longtemps, et je suis piégé dans cette bulle d'immobilité. J'en ai assez de cette ville qui semble être un tableau peint dans les teintes de gris, une toile sans éclat, où chaque couleur s'attarde à peine avant de se ternir.
À chaque pas, je ressens la lourdeur du pesant désespoir qui se niche dans nos rêves effilochés. Pourquoi rêver d'une vie qui ne se bornera qu'à être un reflet maladif des jours précédents ? Je me prends parfois à fantasmer sur cette université lointaine, sur des cités où l'ennui n'est qu'un lointain souvenir. Peu importe où, pourvu que ce soit ailleurs.
Ce matin-là, je décide de m'arrêter un instant. Je scrute la ville comme on observerait un aquarium. Les passants évoluent dans leur monde, ingurgitant la vie avec une passivité effrayante. Ils sont tous là, abîmés par la routine, et moi aussi je le suis. Dans ce décor figé, je ne parviens même plus à distinguer ce qui est vivant de ce qui ne l'est pas. Chaque visage croisé est une page usée de ce même livre dont je redoute l'intrigue.
Alors qu'il ne reste que quelques minutes avant la sonnerie du lycée, une vague d'angoisse m'envahit. Tout cela, ce quotidien terne, ne ferait-il jamais que se répéter ? Comment pourrais-je échapper à cet ennui, à cette monotonie maladive de la ville ? Je tourne le regard vers les montagnes, inquiètes, comme si elles pouvaient aussi me comprendre. Elles semblent me chuchoter que le monde au-delà des limites d'Andong peut être aussi vaste que mes désirs et mes craintes mêlés.
Lorsque j'arrive dans ma classe, comme chaque matin, une odeur familière de craie et de livres usés me prend à la gorge. Je vais vers mes deux seuls amis, Ten et Shotaro, qui sont déjà en train de discuter de je ne sais quel sujet futile. Les salutations échangées sont aussi mécaniques qu'un automaton. Je prends place à ma table habituelle et sors mon recueil des poèmes de Charles Baudelaire, *Les Fleurs du mal*. Pourquoi ce recueil ? Peut-être parce qu'il me fait me sentir unique dans cette ville pourrie où personne ne semble s'intéresser à cet auteur.
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𝐹𝑙𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑑𝑢 𝑀𝑎𝑙 𝓣𝓴 🧡🖤
FanfictionUn jour, Taehyung, un adolescent ordinaire, découvre des vêtements de sport oubliés dans les vestiaires de son lycée. Intrigué, il décide de les prendre avec lui pour les rendre à leur propriétaire. À sa grande surprise, le propriétaire s'avère être...