Chapitre 1 - Thomas

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BIENVENUE CHEZ TOI

29 JUIN 2020

À l'avant de la voiture, côté passager, Stéphanie me raconte l'histoire de Saint-Cirq-Lapopie. Sa fierté est grande lorsqu'elle m'annonce qu'il a été élu « village préféré des Français » en 2012 et qu'il fait partie des plus beaux du pays. Nous nous contentons de le contourner pour emprunter un chemin de terre, mais je peux d'ores et déjà constater que ma tante ne m'a pas menti en prédisant que j'allais être happé par l'ambiance médiévale. Les ruelles et les bâtisses que j'aperçois semblent venir d'une lointaine époque et ont courageusement bravé l'épreuve du temps. Des siècles se sont écoulés, et pourtant, le charme de cette petite commune est saisissant.

En levant les yeux, je distingue l'église qui trône sur la falaise et l'envie de m'y rendre pour admirer la vue que je pourrais avoir de là-haut se fait ressentir.

Je peine à réfréner mon excitation et tâche de ne pas sauter du véhicule pour courir jusqu'au sommet. Prendre de la hauteur m'a toujours procuré du bien-être. C'est à l'endroit où l'humanité me paraît minuscule et le monde vaste que je sens mes poumons se remplir d'oxygène. Ainsi, mon fardeau de solitaire se transforme en liberté et la signification d'exister y puise tout son sens.

La main posée sur la cuisse de son mari, en pleine contemplation de sa terre qu'elle n'a plus vue depuis des mois, Stéphanie irradie l'espace et captive mon attention. Son large sourire contraste avec les traits tirés que je lui ai connus jusqu'alors. Ses yeux plissés de joie se prolongent par la naissance de ses pattes-d'oie et la légèreté qui émane d'elle quand un rire s'envole hors de ses lèvres me fascine. Elle est dotée d'une beauté à la fois singulière et discrète. Ses longs cheveux bruns sont rassemblés en un chignon sauvage et ses iris bleus sont braqués sur l'environnement avec l'émerveillement d'un enfant.

Arnaud, mon oncle, lui lance quelques coups d'oeil en coin tout en conduisant, soulagé de retrouver sa femme aussi heureuse. Lorsque nous sommes arrivés à la gare de Cahors, il nous attendait déjà depuis une heure, impatient à l'idée de nous revoir. Même si j'ai fait sa connaissance le jour où le juge m'a appris qu'ils devenaient mes tuteurs légaux, il a dû revenir ici pour gérer son cabinet vétérinaire et les animaux dont il s'occupe. Pendant six mois, nous ne l'avons vu qu'à de rares occasions, alors il s'est mis à courir vers son épouse quand il l'a aperçue au beau milieu du hall, se fichant du regard des autres. Je les ai observés, ravi qu'ils soient enfin réunis, et Arnaud s'est défait de ma tante pour venir m'étreindre, comme un père le ferait à son fils.

L'angoisse ne me quitte pas à l'idée d'habiter à des centaines de kilomètres de tout ce que j'ai connu pendant seize ans, mais j'essaie d'être optimiste sur ce renouveau. Durant plusieurs semaines, j'ai vécu seul avec la soeur de ma mère et son conjoint à travers elle ; l'envie d'en apprendre davantage sur eux s'accroît de plus en plus. Pour cela, ils ont décidé d'organiser un repas de bienvenue avec leurs meilleurs amis.

Stéphanie m'a confié qu'ils se voyaient tous les jours, sauf exception. Par conséquent, je risque d'être mêlé à eux. Tous les quatre ont grandi ensemble et ne se sont jamais perdus de vue, si bien que leurs propriétés ne sont délimitées que par une petite forêt. Elle m'a parlé de leur fils, Édouard. Il a mon âge et entre en terminale à la rentrée. Avec tout ce qu'il s'est passé pendant un an et demi, je n'avais pas la tête à le contacter avant mon arrivée. J'ai désactivé l'intégralité de mes réseaux sociaux et je préfère m'en tenir loin désormais. C'est donc avec une énorme boule d'anxiété que j'appréhende cette première rencontre. Après des mois sans m'être confronté aux jeunes de mon âge, je suis fébrile.

Tâchant d'éloigner toutes les pensées nocives de mon esprit, je m'encourage à me focaliser sur le nouveau décor. La présence des arbres se fait moins dense pour ouvrir la voie sur un impressionnant domaine. Encerclé par les bois, il a des allures de prairie verdoyante où des fleurs jaunes, bleues et violettes s'épanouissent et se déploient vers le soleil. L'allée sur laquelle nous roulons mène à un parking de graviers blancs situé au pied d'une incroyable maison en pierre.

Nous irons toucher les étoiles (sous contrat d'édition chez Milo Éditions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant