Garçon, Fille ou Gwen

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- Je vous présente Kelly Ravoajanahary, votre nouvelle camarade de classe.

Madame Guillaume avait prononcé son nom de famille d'une façon saccadée et maladroite, comme si elle avait dû faire des efforts pour l'apprendre par cœur. Il y eut aussitôt des rires dans la classe, le rire moche et ridicule d'Erwan surplombant tous les autres. J'eus une pensée compatissante pour cette fille, qui arrivait à peine et qui était déjà accueillie par les ricanements de cette bande d'imbéciles. Qu'est-ce qu'ils m'énervaient ! Je ne pouvais plus les supporter. L'idée de devoir attendre encore un an et demi avant d'aller au lycée m'était insoutenable.

- Silence, s'il vous plaît, lança vivement la principale, coupant net le bourdonnement curieux et les rires moqueurs des élèves. Kelly vient de déménager à côté du collège. Je compte sur chacune et chacun d'entre vous pour lui faire un bon accueil dans votre classe.

Ça commence mal, pensai-je, et Mme Guillaume avait l'air de partager mon avis : elle regardait les élèves qui avaient ri, les yeux plissés, comme pour les mettre en garde.

La nouvelle venue se tenait sur un pied, l'air un peu timide. Je la scrutai discrètement, essayant de déterminer quel genre de fille qu'elle était. Était-elle une de ces petites poupées qui ne jurent que par l'apparence et les fringues ou une peste à l'arrogance sans borne, le genre à mettre des coups dans les couloirs ou lancer des stylos sur la tête des autres quand les profs avaient le dos tourné ? Je plissai les yeux derrière mes lunettes pour avoir un meilleur focus. Elle avait l'air plutôt gentille, mais on pouvait toujours se tromper. S'il y avait bien une chose que le collège m'avait enseigné, c'est que les filles sont des monstres.

C'étaient les filles, et non les garçons, qui faisaient de ma vie au collège un véritable enfer. Les gars, en général, se contentaient de m'ignorer, comme s'il n'y avait aucune place pour quelqu'un comme moi dans leur univers. Je ne jouais pas au foot et je n'avais aucune intention de sortir avec eux ni eux avec moi. Les filles par contre semblaient toujours vouloir me punir. Me punir de quoi ? Je n'avais pas la réponse à cette question.

Et puis, il y eut quelque chose qui bouleversa toute mon existence.

Sans réfléchir une seule seconde aux conséquences que son acte allait avoir sur Kelly, sur moi, et sur toute la classe de 4ème C, Mme Guillaume conduisit la nouvelle vers la place libre, juste à ma droite.

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- Vous pouvez reprendre votre contrôle, maintenant, dit Mme Delestre.

Reprendre le contrôle ? Mais comment pouvais-je reprendre mon contrôle, avec la présence de cette fille inconnue à côté de moi, avec tous les regards qui étaient tournés dans ma direction, avec mon cœur qui battait à toute vitesse et mes mains qui tremblaient ?

- Salut ! chuchota Kelly.

J'ouvris la bouche, mais ne parvint pas à croasser autre chose qu'un maigre 'salut' à moitié mangé, avant de lui tourner le dos et de me replonger précipitamment dans mon travail. L'activité de la faille Nord-Anatolienne et le risque sismique en Turquie, voilà qui me ferait oublier cette présence non désirée qui venait de s'immiscer dans mon espace vital.

Dans la salle de nouveau plongée dans le silence, il y eut des bruits de pas, puis une ombre se forma devant moi. Je relevai la tête et découvrit la prof de SVT penchée au-dessus de ma table. Est-ce qu'on pourrait me laisser tranquille cinq minutes pour que je puisse faire ce satané contrôle en paix ?

- Excuse-moi de te déranger, pourrais-tu prêter ton classeur à Kelly ? Tu vas voir, ajouta-t-elle en se tournant vers la nouvelle élève, Gwenaëlle écrit très bien.