8 2 0
                                    

Un rire d'enfant résonnait dans l'étroite ruelle, virevoltant entre les fils de linge tendus entre les balcons et rebondissant entre les pavés usés. La poussière et le sable résiduel se soulevaient sous la puissance des pas de la jeune fille. Cette dernière se tourna pour regarder derrière au loin puis reprit sa course jusqu'au tournant d'en bas, se retenant de toutes ses forces contre le mur bouillant de la maison du midi. Un dernier regard derrière elle puis elle calma son souffle. 

Le soleil frappait sa chevelure blonde, faisant ressortir son teint halé par la plage et les balades sur les remparts. L'étoile réfléchissait également ses rayons sur les vieux volets bleus, laissant apparaître des brèches menaçantes d'échardes. Sur la pointe des pieds, elle pressa son front contre l'un des volets et se concentra sur le petit trou qui lui offrait une vue réduite de la petite cuisine aux tapisseries jaunissantes et au carrelage décoré de cigales violettes et vertes. Aucun bruit n'en sortait, aucune odeur ni chaleur. Un léger sourire prit place sur le visage de la petite fille, illuminant instantanément ses traits fins.

Ses yeux pâles se posèrent sur le pas de la porte en bois massif, observent l'infime espace qui se trouvait entre elle et le sol. Un liserait de lumière s'en échappait avec une nuée de poussière presque imperceptible. Une inspiration, puis deux et elle trouva enfin le courage de sortir de la poche de sa petite salopette rose un morceau de feuille, sûrement déchirée d'un carnet, plié en quatre. Les lignes bleues apparentes sur le blanc éclatant de la feuille quelque peu froissée. Elle s'accroupit, et glissa maladroitement le petit mot sous la porte, disparaissant avec ses émotions. Un souffle lui échappa.

-Annie!

La voix du petit garçon qui faisait écho derrière elle la sortit de sa petite bulle. Elle se redressa pour se retourner, défiant du regard le brun qui courait à toute allure dans la descente. Il n'allait pas s'arrêter, elle le voyait à son sourire vibrant alors, par mimétisme, ses fines lèvres firent de même et ses jambes reprirent leur course, la portant jusque derrière le tournant, passant au bord du petit canal. 



Le soleil avait fait son travail sur les vieux volets bleus, encore plus usés par les vents qui promenaient le sable et l'air marin, emplit de sel. Mais les brèches menaçantes d'échardes et le petit trou étaient toujours là, au même nombre et aux mêmes formes. En l'honneur de ses souvenirs, elle glissa un oeil dans le trou, observant la cuisine. Elle était vide, comme avant, mais cette fois une douce odeur de tarte aux pommes en émanait. Elle sourit, d'une manière douce et légère, si propre à son visage. 

-Qu'est-ce que tu regardes?

La voix grave du jeune homme derrière elle provoqua un frisson le long de sa colonne vertébrale, résonnant sur la couche superficielle de sa peau halée par la plage et les balades dans la vieille décapotable de sa grand-mère. Elle se retourna et fit face au brun, qui lui offrait un sourire vibrant. 

-Pablo!

Elle s'exclama, pointant du doigt un chat tigré assis au pied d'un pot de fleur en terre cuite. Il léchait sa petite patte lentement, d'une paresse incontestable. Le jeune homme se retourna à son tour et ne pu que fondre devant ce petit animal. Il s'approcha prudemment, une main en avant. Ce n'est que quand son doigt rencontra la langue rappeuse du félin qu'elle défit ses yeux pâles de la scène pour les poser sur le pas de la porte. Une respiration, puis deux et elle trouva enfin le courage de sortir de la poche de sa robe fleurie un morceau de feuille, évidemment déchirée d'un carnet, plié en quatre. Elle s'accroupit face à la porte en bois massif et, dans un geste sûr, elle fit disparaître le petit mot, emmenant avec lui ses espoirs. Un souffle lui échappa.

-Annie?

Elle se releva et cette fois, ses jambes ne la portèrent pas jusqu'au petit canal. Mais son sourire, produit d'un mimétisme, était encore là. 

Quelques heures plus tard, quand le soleil s'effaçait au loin, derrière une colline séchée, et qu'elle avait prit place sur le divan du bureau, un livre en main, elle sentit une pointe sous sa cuisse dénudée par sa robe remontée. Elle plissa des yeux et se redressa, passant sa main dans l'espace entre le matelas et le dossier du petit meuble. Sa peau rencontra le froid du papier et les irrégularités du pli. Entre deux doigts, elle le fit glisser pour l'en sortir et le déplia avec curiosité. 

Un sourire étincelant, aux éclats d'émotions, prit place sur son visage étirant ses traits fins. Ce n'était que trois lettres.



"OUI"




Le soleil se reflétait sur la Méditerranée. Il n'y avait plus de vieux volets bleus à user, ni de cheveux blonds contrastant avec un teint halé par la plage et les balades dans les petits marchés. Plus de brèches menaçantes d'échardes et de petit trou. Plus de cuisine vide à l'odeur de tarte aux pommes. Maintenant le soleil recouvrait de son voile doré le salon de jardin faisant face à la mer, faisant scintiller le plastique des albums photos sortis des cartons par une jeune adolescente, aux nattes brunes et à la robe en lin. 

Elle fouillait dans les photos, en en mettant certaines de côté et en rangeant d'autres, tout en chantonnant un air d'été. Elle remit une mèche rebelle derrière son oreille et sortit une petite boîte en bois du carton. Elle était vernie et gravée d'une cigale au centre du couvercle. Intriguée, l'adolescente plissa ses yeux pâles et l'ouvrit avec précaution. Des fleurs séchées recouvraient des lettres intactes par le temps et quelques photos. Mais ce sont trois papiers, pliés comme on le ferait pour des mots passés de table en table à l'école, qui prirent possession de son intérêt. 

-Papy, qu'est-ce que c'est?

Demanda-t-elle en se retournant, interrogeant du regard son grand-père assit sur un vieux divan qu'ils avaient sorti dans l'après-midi pour ranger le grenier. Il mit ses lunettes sur son nez et s'approcha, passant une main dans ses cheveux grisonnants. Il s'accroupit à côté d'elle. 

-Ouvre. 

La jeune fille n'attendit pas et les déplia, prenant en compte chaque mot, chaque goutte d'encre qui avait marqué le papier froissé. 


"Tu veux sortir avec moi?"


"Veux-tu m'épouser?"


"OUI"


-Ta grand-mère a toujours fait le premier pas...

Elle hocha de la tête, surprise et pourtant ne comprenant pas tous les sous-entendus que cette simple phrase contenait. Il posa une main sur l'épaule frêle de sa petite fille, lui souriant, son sourire vibrant.

-Pourquoi pas toi?

Un rire léger sortit de sa bouche. Il perdit son regard brun sur les photos, les fleurs puis les mots. Tout lui remontait, comme un film dont il ne pourrait jamais se lasser. Un souffle lui échappa avant qu'il ne repose ses yeux sur la brune devant lui.

-Je l'ai fait, une fois. 


"Peux-tu m'attendre?"


Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Feb 06, 2023 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Je te laisserai des motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant