C'était nous

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C'était un mardi soir du mois de janvier, l'air d'hiver était frais et une brise légère, gelée, soufflait doucement, faisant trembler les pétales de fleurs et les feuilles d' arbres. Les oiseaux ne chantaient pas, tout était silencieux. Comme un jour de neige, une sensation de lourd flottement pesait dans l'atmosphère. Aucun bruit, à part le son que faisaient les chaussures des visiteurs en s'écrasant sur le sol couvert de brindilles. Comme si le temps était pétrifié, le calme régnait dans tout l'espace. De temps en temps, on pouvait voir un écureuil sauter de branches en branches, ou encore percevoir le frottement de battements d'ailes. De grands sapins surplombaient le petit parc, et en présence du soleil, ils laissaient leurs grandes ombres noires s'étendre pour protéger tout l'espace grâce à leurs branches touffues. Ces dernières commencèrent d'ailleurs à s'agiter dans un mouvement de balancier hypnotisant, de plus en plus fort.

Le vent se levait.

De petites taches rondes commencèrent à se former sur les pierres grises et sur les vestes sombres des personnes présentes dans le jardin.

Il pleuvait.

Ce bruit était agréable à écouter, telle une musique teintée de tristesse et de mélancolie, il faisait remonter à la surface de vieux souvenirs, qu'ils soient heureux ou tristes. C'était beau ces traits tombant du ciel, découpant parfaitement le paysage, les gouttes humides s'écrasant au sol. Les bruits de pas se pressaient sous le ciel qui se déchaînait de plus en plus, les parapluies étaient sortis à la hâte, et on se dépêchait de partir pour arriver chez soi le plus rapidement possible.

J'étais là, accoudée au portillon, regardant ce spectacle, attendant patiemment que tout le monde se précipite vers la sortie tout en tenant mon parapluie au-dessus de ma tête. Je jetais un rapide coup d'œil au petit portique blanc et pus remarquer la peinture légèrement défraîchie et écaillée par endroits, où l'on voyait la rouille apparaître. Je tenais le bouquet de fleurs que j'avais apporté d'un bras ballant, les gouttes d'eau se déposant par petits bruits sur la poche en plastique qui le protégeait. J'avais demandé à la fleuriste une composition de fleurs hivernales aux couleurs douces, et avais finalement opté pour de grandes jacinthes blanches accompagnées de pensées violettes. Leur senteur sucrée et agréable me parvenait, se mélangeant à l'odeur de la pluie sur le béton. Je fermais les yeux, profitant de cet instant, l'écho des moteurs confondu au brouhaha de la foule pressée dans les oreilles.

Lorsqu'il n'y eu plus personne dans les rues et que le minuscule jardin fut vide, je poussais timidement le portillon qui émit un léger grincement et entrais, tout doucement.

Comme si c'était la dernière fois.

Le bruit de la pluie couvrait celui de mes pas et des brindilles qui craquaient sous mes chaussures. Je me suis avancée calmement vers le fond du parc, jusqu'au petit muret de pierre tombant en ruine envahi par le lierre et les mauvaises herbes. Là, au pied de celui-ci, sur une grande dalle grise, humide et trempée par l'eau m'attendait quelqu'un.

C'était toi.

Tu patientais là, comme à ton habitude.

Tu n'as pas réagi lorsque mon regard s'est posé sur ta silhouette. Je me suis assise à tes côtés, et ne sachant quoi dire, j'ai préféré rester muette, car pour rien au monde je n'aurai brisé ce silence qu'était le notre, si beau et respectueux à la fois. Une atmosphère calme et silencieuse s'était installée dans le jardin, nous enfermant dans un cocon de velours. Il y avait comme un flottement, le temps s'était arrêté, il n'y avait plus que nous. Le bruit de la pluie et du vent ressemblait à une mélodie, et j'aurais presque cru entendre au loin des violons accompagner cette symphonie.

Côte-à-côtes, et pourtant, nous ne parlions pas. D'une nature très timide, tu n'as jamais été très à l'aise pour entamer les discussions. Tu préférais écouter les gens, et de temps en temps, faire un signe de tête pour leur montrer ton attention. Tu buvais leurs paroles avec cette mine sérieuse et intéressée qui t'étais propre, le menton retroussé et les lèvres pincées, allure qui donnait envie aux personnes qui te parlaient de continuer leur récit. Dans ces moments-là lorsque je te regardais au milieu de la foule, je ne voyais que toi et je ne pouvais empêcher ce sourire de venir se dessiner aux coins de mes lèvres. Tu illuminais l'espace, n'importe où tu allais.

C'était nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant