Dialogues Intérieurs - Une nouvelle sur la page blanche

Dialogues Intérieurs

Une nouvelle sur la page blanche

Parfois, un sentiment rôde dans les abysses de votre esprit ; il vous hante telle une ombre sur vos pensées. Petit à petit, il prend possession de votre âme et insinue une idée. Il plante cette petite graine qui grossit, grossit et grossit encore jusqu'à ce que ses racines tirent toutes les ficelles de votre esprit. Et alors vous vous dites :

- Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je perds mon temps...

- Tu as raison, abandonnes. C'est la meilleure chose à faire, dit l'Imposture.

- Pourtant j'aimerais écrire, j'aimerais être capable de terminer ce roman...

- Mais tu ne peux pas, tu en es incapable. Trois heures pour écrire 20 mots ? Tu es mauvaise, cessons les frais.

- Tu as probablement raison. Et puis j'ai autre chose à faire.

- Oh oui ! Tu as pensé à ces papiers de la banque que tu dois trier ? Et le repas que tu n'as pas préparé ? Ce matin, tu n'as même pas pris le temps de t'habiller. Allez, quitte donc cet ordinateur... susurre l'Imposture.

- Mais tout de même, comment pourrai-je accomplir mon rêve si je cède aussi facilement devant la difficulté ? Encore une heure, je me laisse encore une heure pour écrire ce maudit paragraphe et si je n'y arrive toujours pas... si je n'y arrive toujours pas, j'arrête.

- Pour toujours ?

- Ah non ! Pas pour toujours, seulement pour aujourd'hui.

- Crois-tu que demain sera différent ? Tu seras toujours cette autrice amatrice, inexpérimentée et incapable d'écrire.

- Demain est un autre jour. Pour l'instant, je veux écrire ce paragraphe.

- Très bien, très bien... Mais je t'aurai prévenu.

Sur ces paroles, l'Imposture rentre dans son tiroir pour s'assoupir un moment. Pourtant, rien ne change. Les mots ne viennent pas, la page reste blanche et son cœur s'obscurcit d'idées noires.

- Oh ma Muse ! Où es-tu ? Pourquoi m'abandonnes-tu encore ?

- Mais je suis là ! proteste la Muse.

- Parle-moi encore, parle-moi je t'en supplie !

- Je te parle, je te parle ! Mais voudrais-tu bien cesser toutes ces verbigérations pour écouter ce que j'ai à te dire ?

- Muse, ma Muse, pourquoi ne me réponds-tu pas ?

- Je ne comprends pas, pourquoi m'appeler si elle ne m'écoute pas ? s'exaspère la Muse.

- Je l'ignore, je n'ai jamais eu ce problème. Moi, qu'elle m'appelle ou non, je suis toujours là ! déclare la Procrastination.

- Oh encore toi ! Vilaine canaille, va-t'en ! Comment puis-je faire mon travail si tu es là ?

- Ne sois pas si impolie ! Je ne suis pas venue seule...

- Nous sommes là également, répondirent d'une même voix la Peur, la Fainéantise et l'Illégitimité.

- Grandiose ! Et qui vous a invité ? Vous ne l'aidez pas ! Ne voyez-vous pas qu'elle n'a pas besoin de vous ? Allez ouste, ouste !

Aucun d'entre eux ne bouge. Soudain, la Muse a une merveilleuse idée. Pénétrant dans la tête de l'autrice, elle se met à ouvrir tous les tiroirs un à un pour chercher un allié :

- Ah ! Te voilà enfin ! Viens par ici, sort donc de ce tiroir !

- Et bien le bonjour ! Je suis Persévérance. Oh que vois-je ? Que font ces vilains sentiments aux commandes de l'esprit ?

Sans plus attendre, la Persévérance les pousse dehors et s'installe confortablement sur le siège central :

- Alors ma petite dame, on n'arrive pas à écrire ? Ne t'inquiète pas, j'ai plein de solutions pour toi !

- Oh tu es là ! Tu m'as manqué Persévérance !

- Oui, oui assez parlé. Raconte-moi, parle-moi ! Résume à voix haute le contenu de ce paragraphe.

- [...]

- C'est très bien, on avance. Allez, retourne à ton clavier rédiger tout ça.

- Mais... Je n'y arrive pas... Tout paraissait clair, mais cela m'échappe désormais !

- Te souviens-tu de ce dictaphone que tu as acheté l'année dernière ? Et bien va le chercher, ordonne la Persévérance.

- Je l'ai !

- Très bien, maintenant réexplique-moi, de quoi veux-tu parler ? Qu'aimerais-tu écrire dans ce paragraphe ?

- [...]

- Maintenant, écoute donc ton enregistrement et vois ce que tu peux récupérer de ces pensées embrouillées.

- Mais Persévérance, c'est mauvais !

- Peu importe ! Écris ! Écris un mot, puis une phrase, puis deux ! Que tes mots soient mauvais, que tes phrases soient alambiquées pourvu que tous deux existent et remplissent cette page blanche !

- Je ne suis pas sûre d'y arriver...

- Que tu es agaçante ! Allons, prends tes affaires et changeons de pièce. Cet endroit est encore empreint de ces maudits traitres ! Je peux sentir le parfum mortel de la Peur... Voilà ici nous serons mieux. Maintenant, écris !

- Je...

- Qu'as-tu ? Quel est le problème ?

- Je n'arrive pas à écrire une phrase, mes doigts sont affreusement embrouillés... Je tape un mot puis un autre, mais ils ne vont pas ensemble ! Alors je recommence, comme tu me l'as appris Persévérance mais, ces mots ne veulent jamais se donner la main... Ils restent opiniâtrement de leur côté...

- Ferme donc cet ordinateur, ce clavier est maudit. Va chercher un cahier et un crayon. Écris de ta main chère amie, dessine ces mots avec ton âme. Laisse-les venir à toi et attrape-les avant qu'ils ne s'envolent, emprisonnent-les sur ce papier peu importe l'ordre, peu importe leur maladie, peu importe leur aspect, écris-les !

- J'y arrive ! Persévérance, Muse j'y arrive ! J'écris ! Les mots, voilà qui se succèdent au rythme de ma pensée. Ma plume est imprécise et parfois hésitante, pourtant elle remplit d'idées cette affreuse feuille. Que faire avec tout cela ?

- Et bien demain, tu les agenceras pour ériger un nouveau monument avec cette matière friable puis tu pareras chacune de ces lignes des plus beaux bijoux de ton vocabulaire.

- Dis-moi Persévérance, si cela se reproduisait ? Si Procrastination, Peur, Illégitimité et Imposture revenaient, comment pourrais-je continuer ?

- Il suffira de faire appel à moi. N'oublie pas que je serai toujours à tes côtés, tant que tu le chériras...

- De qui parles-tu ?

- De moi bien sûr, déclare le Rêve.

Cette nouvelle vous a été proposé par @bref_jecrisunlivre alias Fanette

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