Mes souvenirs sont vagues, flous, égarés au milieu d'un océan de crasse. Je me rappelle d'un soleil brillant de tout son astre, tant que, même pour soleil d'hiver, ses rayons traversaient la légère brise glaciale ambiante pour venir caresser ma peau.
Je marchais accompagné de ma solitude, comme toujours. Au détour d'une ruelle, je suis tombé sur un petit bar ; en entrant par la petite porte ornée de statuettes gothiques, je me retrouvais au milieu d'une grande salle. Une immense table était dressée, probablement pour une soirée entre amis, et je constatais avec étonnement la richesse de ce que j'avais sous les yeux.
Les couverts étaient en argent, posés sur une nappe de soie, les murs étaient décorés de tableaux en tout genres, illustrant des scènes de chasse à cour et de banquets du XVIIIIème siècle. Les plinthes étaient en marbre, on pouvait trouver, ça et là, quelques miroirs décoratifs certis de diamants, d'émeraudes, et d'autres pierres précieuses.
Je me trouvais là, moi, un être humain aussi banal qu'indifférent, au milieu de ce spectacle visuel. Au bout de la salle se trouvait le bar, et le silence se brisa lorsqu'une serveuse m'interpella. En me demandant quelles raisons m'avaient amené ici, je ne pu lui fournir qu'un maigre balbutiement suivi d'un ochement d'épaules. Sans un mot, elle me conduisit au niveau de l'escalier chêne qui trônait à côté du bar, et ouvrit une petite porte. Je descendais alors encore plus profondément dans l'inconnu. Arrivé en bas de ce petit escalier de pierre, j'arrivais à l'entrée de ce qui semblait être une crypte. Les murs étaient en blocs de pierres plus vieilles que la ville au-dessus de moi, le sol jonché de moisissures et de cadavres de rats, et un sentiment de malaise apparu. Je ne voyais plus la serveuse, et ai laissé mon instinct guider mes pas.
Au fur et à mesure de mon périple, le sol était de moins en moins sale, les murs se transformaient peu à peu en colonnes de marbre, et une douce chaleur commençait à m'enivrer. Sans comprendre pourquoi, je venais d'atterrir dans une gigantesque salle de balle me rappelant la galerie des glaces de Versailles. Des sortes de petits esprits tournoyaient autour de moi, traînant derrière eux une fine poudre étoilée. En levant les yeux, je me rendais compte que le plafond était rempli de toiles comme celles que l'on peut retrouver dans les cathédrales ou au Vatican. Des scènes d'amour, de joie, de tristesse, un torrant d'émotions étaient représentées au-dessus de ma tête.
En poussant une des quelques centaines de portes situées entre les grandes colonnes de granit qui soutenaient la pièce, j'arrivais au bout de mon périple. Face à moi s'étandait un théâtre d'une beauté sans pareille. Les estrades étaient vides, au centre de cette couronne de sièges était situé un baobab, et des jets d'eau jaillissaient de toutes parts. Un petit ruisseau parcourait cette scène irréelle, des oiseaux chantaient et virevoletaient dans tous les sens, et dansaient dans un bal d'une élégance rare.
J'étais émerveillé par ce spectacle grandiose, complètement envoûté par tant de douceur et de chaleur qui embaumait mon cœur. Je me laissait alors tomber dans le petit ruisseau, et en coulant, je cru l'espace d'un instant toucher le bonheur du bout de mon doigt.