12 - Lisbeth Søndergaard

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Céleste Haase marchait lentement, posant délicatement son pied droit à chaque pas. C'était la première fois qu'elle revenait au centre sans attelle, et malgré des gélules amoindrissant la douleur, son vœu le plus cher ne consistait pas en des allers-retours incessants entre le cabinet médical et sa maison, à quelques kilomètres de là. Céleste n'avait jamais fais les journées de rentrée à l'école, pour cause de patinage intensif, et par conséquent, ne connaissait pas la question posée par de potentiels nouveaux amis. Quel rêve as-tu ? Réfléchir à cette interrogation ne lui prendrait que dix secondes : gagner les Jeux Olympiques. Chaque minute passée dans l'enceinte de la patinoire la confortait dans cette voie, mais pour réaliser son ambition, il n'y avait qu'une unique solution ; le travail acharné. Pratiquer des heures le même mouvement jusqu'à ce que la jeune fille l'assimile entièrement, personne ne comprenait cette démarche de répétition considérée comme abusive chez de jeunes enfants. Pourtant, elle en était certaine, la clef de la réussite demeurait là-dedans.

Mais arrivée au collège, cela avait été différent. Les profs s'entêtaient à lui demander ce qu'elle désirait accomplir comme métier lorsqu'elle sera en âge de le faire, et elle y répondait toujours avec beaucoup d'agacement. Les adultes pensaient tout savoir en lui inculquant une pensée défaitiste, c'est-à-dire que le patinage artistique n'était pas un travail sûr où l'on réussissait aisément. Elle n'était pas dupe de ce principe-là et persistait à penser que c'était cette répétition de pessimisme qui la rendrait incapable d'aboutir à un « véritable » projet professionnel. La surprise ne fût pas des moindres, à l'exception de quelques professeurs qui croyaient sérieusement en elle, pour eux de découvrir qu'elle avait remporté les championnats du monde junior. Ils enseignaient à une adolescente qui faisait le tour de la planète pour gagner des trophées inestimables et convoités par des milliers de jeunes enfants.

Le parking se remplissait de plus en plus, les heures d'entraînement oscillant entre six heures quarante-cinq et sept heures quinze généralement, et les rares voitures, Céleste passait par un raccourci où les automobiles étaient peu nombreuses, qui y roulaient ne freinaient pas pour la laisser traverser. Les parents éduquaient leurs enfants, comment pouvait-elle s'imaginer que c'était eux qui la défendrait ? Encore une fois, les regards pesant sur elle l'agacèrent et elle accéléra, au risque de sa cheville fragile qui n'était pas prête à de tels efforts. Son jugement était hâtif et précipité, quiconque n'était pas dans son cercle extrêmement réduit de proche, et encore, personne ne connaissait tout ce qu'elle cachait, n'était pas au courant des détails explicites de cette affaire et était

obligé de s'informer par les médias.

Elle ne démentait jamais les informations, mêmes fausses, puisque les directeurs ne lui en laissaient pas l'occasion, mais aussi parce qu'elle partait du principe qu'ils ne prendraient pas le temps d'écouter quelqu'un corrompu par un cas de dopage sévère.

La porte menant à l'intérieur du bâtiment, par une issue de secours, n'était jamais fermée, les vigiles prétextaient qu'aucun individu ne rentrait par ici, par manque de force et d'énergie le soir, pour faire le tour de l'édifice. Céleste se délectait d'une telle naïveté, et pouvait donc échapper aux licenciés qui la regardaient de travers le temps de traverser le hall principal. Cependant, quand les couloirs se divisaient pour accéder aux pistes qui différaient selon la discipline sportive, elle était en proie à des athlètes médisants, accusateurs, qui la prenaient allègrement de haut. Elle serrait les dents et poussait la porte des vestiaires, qui demeurait son seul moment de répit avant de débuter le cours de chorégraphie, orchestré de loin par Félix. Conrad lui avait très brièvement expliqué qu'il se chargeait de la technique et partageait les entraînements avec une jeune professeur de danse qui dynamisait les éléments obligatoires avec des enchaînements plutôt modernes.

Le Revers de la MédailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant