Prologue.

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Le presbytère s'élève au-dessus d'une marée de nuage aux couleurs de cendre. Au sommet de la montagne, il nargue les monts aux alentours. Perdu entre ciel et mer, l'édifice perce l'horizon, balayé par les bourrasques incessantes d'un vent du nord. La cime des conifères grince et se balance dans le chant lugubre de la forêt. Le crachin s'abat sur le toit chromé de la voiture. La lueur des phares se disperse sur un chemin incertain, entre herbes hautes et pierres tombales.

Les pans de sa veste claquent contre sa chair déjà mordue par le froid glacial. Il arpente le terrain qui mène aux lourdes portes de l'église. Ses doigts mouillés se serrent contre le filtre d'une cigarette qui se coince entre ses lèvres. La volute de fumée se disperse sous la pluie acerbe et ne laisse aucune trace de son passage éphémère. L'homme transcende la tempête, avance d'un pas lourd sans émettre la moindre plainte. Ses yeux inspectent chaque recoin du paysage morose, la face déformée par l'amertume.

Il gravit les dernières marches, inspire une énième taffe et éjecte le mégot encore fumant dans les fougères qui bordent les murs. Sa main s'écrase contre le bois élimé, qui l'écorche de petites échardes. Les battants claquent contre les pierres, vibrent et s'immobilisent. Le silence morbide de l'accueil l'enveloppe dans la noirceur putride du monument. Les rares lamentations du vent qui s'infiltre entre les fissures des murs, résonnent tel un requiem. Ses chaussures humides claquent à chaque enjambée, tandis que ses doigts s'entrelacent autour d'un diapason rouillé. Une note douce s'en échappe lorsqu'il cogne la chevalière qui garnit son majeur.

Il laisse derrière son passage la trace humide de la pluie sur les dalles de pierre. Sa respiration s'accroche dans l'air comme si elle résonnait. Il s'avance, traverse la nef. Ses pieds raclent le sol et arrivent au chœur.

Sa paume souillée s'enfonce entre les couverts de la veste et s'empoigne du manche métallique d'une arme de poing. Le contact le fait frissonner, tandis qu'il resserre sa prise sur la crosse.

Le museau du browning s'entre-coince entre la peau humide et le rêche de la ceinture en cuir, glisse, s'agrippe au tissu de sa chemise sombre. Le canon se reflète aux interstices de lumières puis termine son chemin sur le marbre de l'autel dans un bruit métallique. Ses doigts flattent l'acier puis se détachent ; son bras retombe contre son flanc. Il l'a laisse là, telle une offrande aux yeux du monde.

Immobile, la tête relevée, sa vision se perd sur les contours défraîchis. Il dévisage le Christ, les yeux plissés et la bouche entrouverte. La pellicule d'eau sur sa peau réfléchit la faible lumière qui transperce les décombres. Il halète, laisse ses cheveux se tordrent sous le poids des gouttelettes qui s'écrasent contre le sol. Un sourire s'allonge sur son visage marqué de cernes et de tâche de sang.

Son rire se répercute entre les parois, résonne et meurt aux portes alors qu'il courbe l'échine devant le martyre. Il lève les bras, forme une croix avec son corps, avant de le balancer dans une danse aléatoire. Il tourne sur lui-même, acclame la foule d'ombre qui s'étale sur les bancs poussiéreux. Une psalmodie s'échappe de sa bouche et de concert, il fait voler son manteau telle une cape. Dans une ultime révérence au crucifié, il se redresse avec un regard suffisant, ses lèvres s'étirent :

— Longue vie au Roi.

▻ Que dire après ce prologue, cette très très très longue pause ? Il faut savoir que j'ai eu énormément de changement dans ma vie, je suis partie vivre en Corée, je suis en plein de les études, je n'ai pas autant de temps que j'aurais aimé avoir. J'ai très longuement hésité à publier ce prologue. Pourquoi ? Car mes chapitres ne sont pas finis, que je ne sais pas combien de temps je vais mettre à les sortir, les corriger. Et pourtant j'en ai une ribambelle. 

▻ Ce que j'ai d'autre, c'est une multitude d'idées d'histoire, trop pour les laisser s'entasser dans mon crâne, alors je les pose et j'y reviendrais plus tard, peut-être. Il en va de même pour Apnée. On se retrouvera peut-être dans une semaine, ou dans 6 mois. Mais si vous aimez mon écriture, on se retrouvera.

Bisous mes lapins.

APNÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant