déjeuner au stade

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rappel comme dans plus belle la vie :

étienne et ses amis avaient prévu de manger ensemble mercredi

nous sommes mercredi :)

-

« Étienne, la passe ! La passe ! »

Je m'avance un peu plus vers le but, et je sens Antoine me suivre avec un train de retard. Je soupire et m'arrête pour ne plus m'épuiser pour rien. Sar attend au but les mains dans les poches, l'air amusé.

Antoine finit par me dépasser et patiente le temps que je lui passe la balle, ce que je fais. Il la réceptionne maladroitement, avant de donner un coup de pied mal placé vers la cage de but. La balle trottine jusqu'à Sar, qui avance tranquillement son pied pour l'arrêter. Elle relève les yeux vers moi en réprimant son sourire. Antoine soupire et se passe la main sur le visage, dépité.

Mec, t'es sérieux... je lui dis. Quand tu m'as demandé la balle, t'as cru que j'allais faire marche arrière pour te la passer ? C'est à toi de me suivre...

Ouais, j'crois qu'y a rien à faire. J'ai pas de talent au foot, c'est comme ça...

Je ricane, pendant que Sar s'entraîne à dribbler.

Mais si, bien sûr que tu peux t'améliorer, intervient celle-ci.

Il secoue la tête.

Tant pis. Je me ridiculiserai devant les filles.

Ça fait rire la seule fille du groupe.

J'crois qu'elles en ont pas grand-chose à foutre.

Une brise légère se lève, et je sors machinalement mon portable pour regarder mes notifications. Pendant ce temps, Sar pose le ballon et se dirige vers nos sacs, déposés sur une petite butte à l'ombre des arbres.

Mon portable indique que j'ai reçu des messages d'un groupe sur WhatsApp, celui de mon ancienne équipe de volley. Sar et Antoine sont aussi sur le groupe, puisqu'ils ont également été membres de cette équipe de volley. On en a fait pendant des années. En arrivant au lycée, on a tous les trois arrêté. Mais on ne s'est pas pour autant éloigné des autres membres de l'équipe. Ils sont dans un autre lycée et on continue à se voir régulièrement.

Je lis les memes qu'ils ont envoyés, des conneries. Je range ensuite mon portable et lève les yeux vers Antoine qui s'amuse avec la balle.

Quand il nous a appelés à l'aide, Sar et moi, nous suppliant presque de l'entraîner au foot puisque c'est un sport qu'il fera en cours d'EPS cette année, on a accepté. On a décidé de faire ça en même temps que le repas qu'on avait prévu ensemble.

On a pu accéder au stade du lycée avec l'aide de la sœur de Sar qui a obtenu les clés par sa pote, l'entraîneuse de basket. On a donc aussi pu se procurer une balle.

Vous venez ? nous appelle Sar.

Je me tourne vers elle. Elle s'est installée sur la pelouse au bord du terrain et a commencé son sandwich.

- Tu veux manger ici ?

Pourquoi pas ?

C'est pas comme si sa sœur allait arriver sur-le-champ et nous reprendre les clés, fait remarquer Antoine qui s'est approché dans mon dos.

Les UNSS pourraient débarquer... j'insiste.

Si ça arrive, je montrerai mes clés au prof pour lui montrer qu'on a le droit d'être ici. Détends-toi, Étienne. Et viens t'asseoir si tu veux pas que je te chipe ton repas.

Je cède et m'installe en tailleur sur l'herbe, avant d'ouvrir mon sac et d'attraper mon déjeuner. Celui-ci se compose essentiellement d'un pain aux rillettes que mon père m'a fait ce matin et d'Oreos en guise de dessert.

Je prends la sage décision de ne pas mentionner aux deux gloutons qui me servent d'amis que j'ai aussi en ma possession un paquet de chips, afin d'éviter de me retrouver avec un paquet vide avant d'avoir pu me servir.

Je déteste tellement le mot casse-croûte, fait Sar en mordant dans son sandwich.

Typique de Jérôme, quarante-sept ans, acquiescé-je, la bouche pleine.

Antoine ne dit rien, perdu dans ses pensées. Sar le remarque et l'apostrophe.

Hé, arrête d'y penser. Le volley, c'est bien plus classe que le foot, déjà. Et puis, les filles s'en foutent complètement de ta manière de jouer. Elles verront même pas ton mauvais jeu, elles joueront leurs propres matchs puisque les mecs et les filles sont séparés.

Antoine gonfle les joues.

- Bon...

Il relève les yeux vers nous et perd son sérieux en voyant notre tête, éclatant de rire. Il scelle les lèvres et reprend ce qu'il voulait dire.

- J'vais pas vous faire chier alors que vous avez pris le temps de jouer avec moi. On peut arrêter de parler de mes prochaines prouesses de foot, il termine sur un ton mélodramatique.

Il se met à siroter une brique de jus d'orange et on le regarde avec Sar, hésitant entre compatir ou se foutre de sa gueule.

- Ça se mange pas au goûter, ça ? je m'autorise à demander.

- Y a pas de règle d'alimentation, Étienne. C'est juste tes parents qui t'ont fait avaler que tu pouvais te bourrer de sucre qu'à seize heures et pas avant.

- Il a raison, acquiesce Sar en ouvrant un tupperware.

J'ai la flemme de débattre alors je ne réponds rien, et je retourne à mon sandwich aux rillettes. Un régal, d'ailleurs.

- Les gars, on est vraiment les seuls à préférer le volley au foot, remarque Sar. Si on faisait un sondage, combien seraient de notre avis, vous pensez ?

- Peu, je pense. Et puis, la plupart préfère probablement le hockey, avance Antoine. D'ailleurs, je vais au match de hockey vendredi avec mes potes de l'année dernière. Vous voulez venir ?

- Je sais pas. Je sais même pas si notre lycée a une équipe féminine, ça craint.

- Y en a une il me semble, hasarde Antoine.

- Trop bien, s'enthousiasme Sar. Son regarde se perd sur le lycée dans mon dos. Tiens, c'est pas Mathias et ses potes là-bas ?

Je jette un œil à ce qu'elle regarde.

- Ouais, c'est lui.

- Il est sympa ?

Je grimace.

Ça matche pas trop. Mais ça aurait pu être pire. Et vous ?

On discute de nos partenaires pendant le reste du repas. Antoine et sa partenaire s'entendent bien. Sar et le sien, c'est une autre histoire. À partir du moment où la première impression qu'il lui fait est qu'il a une coupe de nazi, ils ne peuvent pas devenir meilleurs amis.

- Vous avez pas dit si vous venez au match vendredi, réalise Antoine.

- Bof, fait Sar, j'préfère consacrer la soirée de vendredi au travail d'HGGSP. Tant pis pour toi si tu préfères gaspiller ton weekend à le finir à la dernière minute. Étienne, j'te réquisitionne.

- J'te suis.

Antoine fait la grimace.

- Vous me déprimez. Allez, c'est pas drôle. Je sais que vous voulez venir, au fond.

- On est très sérieux, j'ajoute avec un sourire sadique.

Sar acquiesce, hilare.

- Bande de lâcheurs.

rue des cascadesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant