Récit d'une adolescente

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Voici le récit d'une adolescente harcelée au collège :

"Ça a duré un an. J'étais en quatrième, et ce qui était ma meilleure amie auparavant est devenue mon pire cauchemar.

Elles étaient trois, et elles ont décidé de me faire vivre un enfer. Je ne voulais plus y retourner, je suppliais pour ne pas y aller. J'avais peur, j'étais en colère, contre elles et contre moi d'être si faible, et j'étais désespérée que ça ne s'arrête jamais.

Chaque fois que je passais la grille du collège, je m'efforçais toujours de garder la tête haute, et de ne rien leur montrer de ma souffrance ; mais à l'intérieur je pleurais et hurlais.

Je me souviens de tout : leurs rires, leurs regards, leurs remarques, leurs messes basses... Elles ont entraîné d'autres filles, puis d'autres garçons, avec elles. Ils m'appelaient la Salope, le Bélouga, la Pute, Castor, BDH... Elles me jugeaient sans arrêt du regard, me faisaient des remarques et me faisaient toujours taire d'un « Ta gueule » ou « De toute façon, toi t'as pas d'ami » dès que j'essayais d'en placer une. J'essayais de soutenir leurs regards, et de les observer aussi mal qu'elles le faisaient, mais c'était vraiment dur. J'étais seule, et j'en veux presque autant aux gens qui m'ont regardée sans rien faire qu'aux harceleuses elles-mêmes.

Je pense que le pire pour moi c'est de m'être sentie si faible face à elles, encore aujourd'hui. Si j'avais osé leur répondre dès le début, elles auraient probablement arrêté.

Je me suis toujours demandé pourquoi, pourquoi moi, et pas une autre ?

Ça n'était que des paroles, finalement. Des paroles qui m'ont tellement marquée que je m'en souviens encore. Ce sont le genre de paroles qui transpercent le cœur et restent gravées pour toujours. Par exemple, je me souviens qu'un jour, la principale fille des trois m'a dit « Il y aurait beaucoup moins de problème si t'existais pas ». En employant le verbe « exister », ça revenait à dire qu'elle aurait préféré que je meurs plutôt que de m'avoir en face d'elle. Ou du moins, c'est comme ça que je l'ai compris à ce moment-là.

J'avais beaucoup de mal à m'endormir, le soir. Dès que je fermais les yeux, je les voyais, elles, rire et m'observer. Alors je lisais, des heures et des heures, jusqu'à ce que je m'endorme toute seule, sans y penser.

J'en avais parlé à mes parents, et nous avions fini par contacter le collège. Quand le directeur est venu me voir, entre deux rendez-vous, j'ai tout de suite compris qu'il ne me croyait pas. Il me parlait de « suspicion », « d'exagération », et les larmes sont vite montées quand je suis sortie de son bureau.

Je ne me souviens pas le nombre de récrés que j'ai passées aux toilettes, à attendre désespérément la sonnerie, souvent en pleurs. Les cours pendant lesquels je priais pour ne pas avoir à effectuer un travail avec elles. Chaque fois que je passais devant un prof, seule, à la fin du rang, et qu'il me regardait avec un sourire, comme s'il ne voyait rien. Comme s'il ne voulait pas voir. Pas s'en mêler. Comme tout le monde, en fait. Personne ne voulait se mêler, alors tout le monde ignorait.

Aujourd'hui ça va beaucoup mieux. J'ai réussi à me reconstruire une vie sociale et à panser la plupart de mes blessures.

Mais tout ça a entraîné des conséquences, surtout psychologiques, sur moi : j'ai beaucoup de mal à refaire confiance aux gens qui m'entourent, et à mes faire de vrais amis ; j'ai vraiment eu le sentiment qu'elles m'avaient détruite, cœur et âme, et j'ai dû reprendre confiance en moi, réellement, sans façade que je m'impose à moi-même. Je crains souvent de dévoiler toute ma personnalité à mes amis, et j'ai eu du mal à complètement baisser la garde, à enlever tous mes masques.

Pour finir, ce que j'ai subi m'a tout de même apporté du positif. J'ai compris ce qu'est le harcèlement moral, les impacts qu'il peut avoir sur une personne, et je me suis fait la promesse de me battre, toute ma vie s'il le faut, contre cette cause. Je veux faire tout ce que je peux pour aider les victimes, et pour que les gens comprennent ce qu'est réellement le harcèlement psychologique.

Alors j'espère que mon témoignage touchera les gens qui le lisent, et qu'il contribuera à ce combat que je mène".

Voici un récit assez poignant. Je trouve que la personne qui nous l'a donné a un très grand courage car ce n'est pas simple de replonger dans tout ça. Nous espèrons qu'elle va mieux et nous voulons qu'elle sache qu'elle peut nous parler si besoin.

Stop au harcèlementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant