Chapitre 4 : Le mystère résolu

219 19 2
                                    

Il fut un temps où le fait de se retrouver coincée dans une clé de tête aurait fait paniquer Cassie, deux fois plutôt qu'une! Son corps entier se figeait, son souffle se bloquait, et son cœur s'emballait. Et si ces symptômes demeuraient d'actualité, ils mettaient moins de temps à déserter. En l'occurrence, il s'agissait de l'habituelle démonstration d'affection de Juliana, qui venait d'arriver. Son parfum rassurant – une fraîche odeur de citron et de basilic émanant d'une brume pour le corps que Cassandra lui avait offerte pour son anniversaire en juillet – suffisait à apaiser son cœur, qui se déchaînait encore.

Juliana couina dans son oreille :

— Je veux tout savoir! De quoi a l'air la première journée d'une enseignante au secondaire?

Cassandra lui rendit son étreinte en posant une main sur le bras niché dans son cou et ferma l'écran de son téléphone à contrecœur. Bien qu'elle fût impatiente d'avoir des nouvelles de son inconnu, elle sourit alors que son amie se perchait sur la chaise d'en face avec enthousiasme, tel un petit oiseau de bonheur. Juliana se délesta de son sac à dos dans un mouvement désinvolte — il atterrit sur le sol avec fracas — et appuya ses coudes sur la table devant elle, tout ouïe.

— Pas bien différente de la première journée d'une élève au secondaire, répondit Cassandra en prenant une nouvelle gorgée de sa boisson sucrée, mis à part le fait que j'étais à l'avant de la classe et que je le serai encore demain. Je n'ai vu que deux de mes trois groupes aujourd'hui, mais les élèves que j'ai rencontrés jusqu'à maintenant sont gentils.

L'Italienne lui vola son verre pour y voler un peu de liquide et fit tinter les glaçons en le lui restituant.

— Et tes collègues?

Cassie se lança dans le récit de sa journée, et Juliana fut pendue à ses lèvres. Elle serait probablement hystérique quand le sujet de l'inconnu du café viendrait sur le tapis, moment le plus captivant de sa journée.

— Ça t'a fait quoi de retourner là-bas? demanda enfin Juliana, visiblement hésitante.

— Moins mal que je l'aurais cru, en fait.

Les couloirs avaient été repeints, la joie et la vie régnaient en tout temps en son sein, et avec la fin de l'affaire Ryan cette semaine, Elle avait l'impression que ses souvenirs étaient redevenus neutres envers l'école. Elle avait grandi, aussi, mentalement. Elle se rendait compte qu'elle avait changé pour le mieux. D'un geste de la main, elle désigna son amie et le sac au sol, dont les coutures semblaient prêtes à éclater.

— Et toi, ta journée? Tu as beaucoup de devoirs?

Juliana hocha la tête avec tant d'entrain que Cassie craignit qu'elle se fasse une entorse. Étrangement, elle la visualisa un instant, non pas avec un collier cervical, mais avec l'un de ces cônes infligés aux animaux pour éviter qu'ils se grattent. L'image la fit sourire. À bien des égards, le comportement de sa meilleure amie n'était pas sans rappeler celui d'un chiot bourré d'énergie.

Cassandra pinça les lèvres en tentant de se concentrer sur ses explications. Son esprit retournait fréquemment au téléphone, au message qu'elle avait envoyé et qui n'avait pas encore trouvé de réponse.

— On a commencé un nouveau travail. J'aimerais te faire une robe, mais j'aurais besoin de reprendre tes mensurations...

Cassandra haussa un sourcil, grandement suspicieuse, et leva une main pour l'arrêter à mi-phrase.

— Et de quel genre de robe parle-t-on, ici?

La dernière fois, Juliana avait confectionné une robe de cocktail qui laissait voir beaucoup de peau. Beaucoup trop au goût de Cassandra. La délicate (et très ajourée) création couleur lilas était bien rangée dans sa housse et elle ne sortirait probablement jamais de la penderie. En fait, Cassie ne l'avait revêtue que le temps d'un court défilé pour sa créatrice et elle s'était empressée de la remiser avec les vêtements de sa mère dont elle était incapable de se débarrasser. Elle ne s'était jamais résolue à la donner, même si elle doutait d'avoir un jour le courage de la porter devant témoin.

Jamais deux sans trois - Tome 1 : Unicité [publié en auto-édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant