14 OCTOBRE

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- Le garçon de la plage


Je relis tous mes messages échangés avec Jared ces derniers mois, ces dernières années, je repense à tous mes flirts idiots avec des filles mêmes pas interessantes, je rêve encore d'Eole et de ses dessins bizarres comme s'il m'avait accordé de l'importance. Il m'arrive aussi de rêver que des mains osseuses et froides me caressent le visage quand je m'endors le soir, seul dans mon lit à contempler le noir et tout le rien qu'il y autour. Je suis comme un petit garçon qui fait des cauchemars, un  post adolescent toxico pathétique au possible qui vit dans ses souvenirs tellement sa vie actuelle ne se résume à rien d'autre que tester des doses de plus en plus fortes.

Je suis tellement idiot, je suis accro à la merde dans tous les sens du terme, incapable de tirer un trait sur le passé, reproduisant les mêmes erreurs encore et encore sans me lasser. Ma seule occupation est d'alimenter les rumeurs des ados du quartier, je suis le type du bungalow de la plage, le camé maigrichon, rachitique, maigre, mal en point, cadavérique...le post adolescent dépressif de qui il ne faut pas s'approcher, le mauvais exemple. Tout ça. 


*


Les vagues se cassent dans la crique, sous les yeux du garçon de la plage. Il vient tous les jours, se mettre les pieds dans l'eau jusqu'aux chevilles en regardant le large ou les ailerons des dauphins au loin. Il ressemble à cette peinture des Friedrich, "Le Voyageur contemplant une mer de nuage" ou quelque chose comme ça. On pourrait l'appeler "le garçon de la plage contemplant les souvenirs de Lauren", ce serait beau, presque romantique. 


En réalité il me fait peur le garçon de la plage, ce quasi culte que je lui voue me terrifie. Son mystère fleurit les pages de mon journal à l'aide de jolies lettres idiotes à l'eau de rose entrecoupées de gribouillages presque psychédéliques qu'il m'arrive de faire. Je n'ai même pas de nom à lui donner, je me contente de verbes conjugués à la troisième personne qui lui conviennent très bien. Je ne sais pas d'où il vient et je ne veux pas savoir où je vais car nous n'irons pas là bas ensemble. Il restera ici à contempler les vagues se briser dans la crique tandis que ce qu'il restera de moi perdurera dans les souvenirs de gens qui m'oublieront. Et jamais, j'espère, qu'il ne connaitra mon nom, jamais j'espère qu'il aura vent de toutes ces lettres à l'eau de rose que je lui écrit toutes les nuits, à moitié mort dans mon lit, les nerfs à vif et les larmes aux yeux en crevant doucement. 


Et il reste là à regarder la mer, le garçon de la plage. 

LOUPWhere stories live. Discover now