Mon BOSS, le pire pote de mon frère !

Chapitre 1

Charlotte

Connaissez-vous le principe élémentaire de la Loi de Murphy ? L'idée selon laquelle si quelque chose doit mal tourner, elle tournera mal ? Un exemple tout bête : vous changez de caisse au supermarché, préférant celle où la file vous semble la moins longue. Et là... bingo. La cliente, juste devant vous, flingue tous vos espoirs de sortie rapide en ayant choisi le seul paquet de céréales avec un code-barres effacé. Cerise sur le gâteau ? C'était – bien évidemment – le dernier en rayon. La suite, je vous la laisse imaginer...

Mon Murphy à moi ? Mes demandes de stage. Il y a quelques mois, j'ai enfin pris la décision de changer de voie professionnelle. L'esthétisme, en soi, ça me plaisait assez. Les clientes, un peu moins. Toujours à se plaindre, à raconter leurs week-ends que je ne pourrai jamais me payer. Rester des heures debout à les masser, les épiler ? Non, merci, j'ai rendu ma blouse. Puis, ce n'est pas comme si j'avais réussi à avoir mon propre salon. Du haut de mes presque vingt-ans, j'accumulais des heures chez ma patronne de mes débuts, celle qui m'avait embauchée juste après l'obtention de mon bac pro.

Ce qui me branche ? La modernité. L'avenir. Les métiers dont on n'entend pas encore parler, mais qui seront en tête d'affiche d'ici quelques années. Mon grand-frère, Thomas, m'a épaulée dans ma décision. En même temps, qui aurait été mieux à même de me guider ? Après une brillante école de commerce, sa carrière a immédiatement décollé. Six ans plus tard, le voilà à la tête de Durasex, la plus grosse entreprise de capotes au monde. Présenté ainsi, ça peut paraître bizarre comme job, pourtant ça ne l'est pas tant que ça. Il a l'air de plutôt s'y épanouir. Bref, retournons à nos moutons. Il m'a aidée à fignoler mon inscription sur Parcours Sup, mon CV, mes demandes de stage. Résultats des courses ? Me voilà inscrite en BTS commerce international, en alternance, pour la rentrée prochaine.

Mon problème ? Mon énorme point noir bien plus gros et purulent que tous ceux que j'ai eus à éclater ces dernières années ? Ma future entreprise. Moi qui pensais que ce serait une partie de plaisir, ben... je me suis fourré le doigt dans l'œil. Bien profond, en plus. Chercher un job, c'est un boulot à temps plein. Le matin ? Je rédige les lettres de motivation liées aux poissons flairés la veille. Puis, vers quatorze heures, je repars en quête de nouvelles annonces. Je vis un été pourri, la tête dans le guidon. Quant à mon frangin, il commence à me taper sérieusement sur le système. En même temps, à force de me voir galérer et essuyer les refus, sa demande semble légitime.

Pourquoi ne viendrais-je pas chez lui ? ne cesse-t-il de me marteler depuis quelques jours.

Ma réponse ? Claire, nette et précise. En trois mots, top chrono.

Famille. Disputes. Overdose.

En tant que maniaque du contrôle qui se respecte, je l'aurais sur le dos H24. Il m'appellerait les week-ends, les jours fériés. À chaque fois que nous nous croiserions, il ne pourrait pas s'empêcher de me parler « boulot, boulot, boulot ». Je l'aime si fort que je refuse de nous entraîner là-dedans... même si sa formation serait très bonne, j'en suis certaine. Puis, j'ai envie de ne rien lui devoir. Rien. Il en a déjà fait beaucoup troppour moi par le passé. Pour notre bien à tous, nous devons remettre les compteurs à zéro. Je dois commencer à voler de mes propres ailes.

Déjà que j'ai accepté qu'il m'emmène en vacances dans cette sublime bâtisse bretonne, avec sa femme Lily, et mon neveu, Léo, une adorable crapule édentée. Le portrait craché de Thomas d'ici une cinquantaine d'années...

Quand on parle de maman louve, mini-louveteau et du chef de meute... Assise sur la terrasse, mes lunettes de soleil sur le nez, je les vois s'approcher, les cheveux mouillés, partiellement saupoudrés de sable. Ils sont... beaux.