Un - Instinct

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Je fixai la pleine lune. Je sentit, au fond de moi, tout au fond, comme une envie de m'ébattre sous l'astre scintillant. Mon instinct réagissait à la lune.

Mais j'avais abandonné cet instinct depuis si longtemps.

Je tentai de me concentrer sur mes devoirs. Sans succès.

Je me sentait enfermée dans cette chambre. Elle était pourtant censée être ma chambre. Une chambre est un endroit où on est à l'aise, où on se sent en sécurité. C'est ça une chambre, non ?

La pleine lune me rappelait toujours des souvenirs. Mais c'était ces souvenirs que j'essayais justement de repousser. Je jetais un coup d'œil à ma montre. Encore trop tôt pour abandonner mes devoirs et me coucher. Dommage, j'aurais aimé me laisser plonger dans l'oubli du sommeil.

Il y avait deux types de loup-garou : les Anonymes et les Éclairés. Les deux vivaient en meute, mais étaient très différents : les Anonymes ne parlaient jamais de leur nature au monde extérieur, au contraire des Éclairés. Les Anonymes se rassemblait en meute et sous le couvert de surnoms anonymes pour ne pas avoir à donner leur véritable nom. Moi, je suis Météore. Ou plutôt, j'étais. Ensuite, ils chassent ensemble et passent la nuit ensemble. Quelques fois, si certains membres d'une meute d'Anonymes s'entendent bien, ils se donnent leur véritable noms pour pouvoir être ensemble le jour aussi, sous forme humaine. Comme... Non, non ! Ne pas y penser. Sinon je vais encore pleurer. Non pas que je pleure souvent. Mais ce sujet là est tellement douloureux, malgré tout le temps qui est passé depuis.

Ah, et j'allais oublier : l'Alpha d'une meute d'Anonyme connaît tout les noms des membres de sa meute, ainsi que comment les joindre. Les meute Éclairés n'ont bien sûr pas besoin de ça...

Avant, il arrivait que je les envie. D'autres fois, j'étais heureuse d'être Anonyme. Ça m'évitait les mouvements de recul lorsqu'un humain frôlait par hasard un loup. Dans cette région du globe, les loups-garous était les plus présent. On ignorait qu'est-ce qui faisait qu'à un endroit c'était les loup les plus présents tandis qu'à d'autres c'était les panthères par exemple, mais cela n'empêchait pas les gens de se transformer.

Moi, je savais depuis toute petite que j'étais une louve, grâce à mes parents. Ma grand-mère était elle aussi une louve, contrairement à ma mère, ce qui avait convaincu celle-ci de faire un test ADN. J'avais eu la chance que mes parents m'acceptent comme j'étais, mais j'avais souvent entendu des histoires horribles d'enfants maltraités, battus ou abandonnés car c'étaient des garous. Autrefois, ils m'avaient laissés choisir la vie que je voulais, avec une meute Anonyme, sans me juger. Puis ils m'avaient soutenus avec amour lorsque j'avais été brisée.

Désormais, ma vie passait, sans que je la vois défiler. J'étais une lycéenne tout ce qu'il y a de plus normal, sans nuits pleines de courses à la lueur de la lune, sans longues conversations pendant la journée sur le forum de notre meute, "les Anonymes de la Vallée". J'avais coupé les ponts avec tout ça, et ça ne me manquait plus. 

* * *

Je me réveillai bien avant que mon réveil ne sonne, comme à chaque fois. Je dormais le plus possible. Dormir me permettais d'oublier, rien qu'un instant. Je finis mes devoirs oublié la veille sur mon bureau, puis je regardais ma montre. Encore une demi-heure d'attente avant d'aller déjeuner. Pendant que je m'habillais, je me détaillais : des yeux bleu gris, des cheveux bruns, un visage banal. Mais je mangeais trop de chocolat. J'avais cette capacité géniale de grossir dès que je mangeais plus d'un carreau, et je ne pouvais m'empêcher d'en manger, surtout lorsque je broyais du noir, comme maintenant. La faute à la pleine lune, qui me rappelais ce que je voulais oublier.

Maintenant voilà ce que j'étais : une lycéenne qui mangeait trop de chocolat !

J'en cauchemardais parfois. Je me voyais, comme autrefois, lorsque je me transformais en louve, mais avec les babines recouvertes de chocolat. Les rêves peuvent être très idiots. Mais celui ci, de nature qui devait faire rire la plupart des gens, me terrifiait. Comme une superposition de celle que j'étais autrefois et de celle que j'étais aujourd'hui.

La meute de CharbonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant