𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄

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ADRIAN


Londres, Angleterre

24 aout 2000

7h30 - Cour principale

Le froid mordait ma peau comme une lame affûtée, s'infiltrant à travers les couches de mon manteau. La cour principale du manoir Sinclair était silencieuse, si ce n'est le bruit de mes pas sur les pavés humides. Une brume épaisse s'accrochait aux silhouettes des arbres dépouillés, rendant l'atmosphère spectrale.

Je me tenais droit, les mains gantées, le regard rivé sur l'homme qui me faisait face. Mon oncle, le duc de Wessex, avait cette posture raide propre aux hommes de pouvoir, celle qui ne tolère ni faiblesse ni insubordination. Ses yeux perçants fouillaient mon visage, cherchant la moindre faille à exploiter.

— Adrian, il est temps. Tu pars pour l'Amérique demain.

Sa voix ne tremblait pas, ne laissait place à aucune émotion. Une annonce. Un ordre. Comme toujours.

— Vous espérez réellement que ce départ changera quelque chose ?

— Ce n'est pas une question d'espoir, Adrian. C'est une nécessité. Tu sais ce que tu es... et ce que tu n'es pas.

Un silence lourd s'abattit entre nous. Ce que je n'étais pas. Un héritier légitime. Un fils reconnu. Un Sinclair digne de ce nom. Tout ce que l'Angleterre refusait de me concéder, sous prétexte que ma naissance entachait la sacro-sainte lignée royale.

— Vous m'exilez, donc.

— Tu appelles cela un exil ? Stanford est l'une des universités les plus prestigieuses du Nouveau Monde. Tu y recevras l'éducation qui te permettra de trouver ta place ailleurs que dans les couloirs du pouvoir. C'est préférable pour tous.

Pour tous. Pour eux, surtout. Pour la Couronne, pour l'aristocratie qui voyait en moi un fantôme gênant, une ombre portée sur la pureté de leur sang bleu.

— Et si je refuse ?

Un sourire fugace effleura ses lèvres. Amusé. Cruel.

— Tu n'as pas ce luxe. L'Amérique t'attend, Adrian. Que tu le veuilles ou non.

Je le savais. Depuis toujours, ma vie se dessinait sans que j'aie mon mot à dire. J'étais un pion dans un jeu que je méprisais. Pourtant, alors que le vent hivernal fouettait mon visage, une étrange certitude s'imposait à moi. Ce voyage ne serait pas qu'un simple éloignement.

C'était un début.

Je jetai un dernier regard à l'homme qui avait dicté ma destinée avant de tourner les talons. Derrière moi, les cloches de Westminster résonnaient dans le lointain. L'Angleterre refermait ses portes.

L'Amérique, elle, venait de s'ouvrir.

ECHOES OF FATEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant