La fille qui s'habillait en blanc

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- Grulish ! Viens donc, fainéant !

L'homme sursauta, paniqué. Déglutissant difficilement, il se dépêcha de poser son plumeau et son seau avant de se précipiter hors de la chambre, en quête de la voix. Dans son esprit fusait toutes sortes de pensées angoissantes, alors qu'il repassait dans sa tête tout ce qu'il venait de faire. Avait-il commis une erreur en changeant les draps de la chambre d'invités ? Le coeur battant à la chamade, il dévala les escaliers menant au rez-de-chaussée, fixant avec peur l'homme qui se tenait au bout.

C'était un vieillard à la mine renfrogné, simplement vêtue d'un peignoir de soie. Appuyé sur sa canne de bambou, l'homme frottait nonchalamment son ventre proéminent, rivant son regard bleu sur le serviteur.

- Je suis là maître, haleta Grulish.

- Tu as pris ton temps animal ! Pourtant, vu le salaire que je te donne, tu devrais filer comme le vent pour répondre aux besoins de ton seigneur. Enfin, ce n'est pas la raison pour laquelle je t'ai appelé. Des invitées viendront d'ici une heure. Habille-toi correctement, lave moi cette crasse et surtout, par pitié, dissimule ton visage. Une fois que tu seras prêt, poste toi devant l'entrée et attends ces chères madames. Compris ?

- Oui maître.

Le rouge aux joues, Grulish se hâta vers la salle de bain qu'utilisaient les domestiques. Bien que Monsieur Biggles l'est habitué aux commentaires belliqueux sur son apparence, il n'en restait pas moins honteux à chaque remarque. Sa main fila automatique vers la partie gauche de son visage, constellée de bosses et qui pendaient étrangement vers le sol. Sa gorge se noua alors qu'il revoyait son reflet dans le miroir. La femme avait eu raison de s'enfuir. Il n'était qu'un monstre et n'aurait jamais sa Saro.

La tête comme plongée dans le brouillard, il ouvrit machinalement la porte menant à la salle d'eau lugubre réservée aux serviteurs. Seulement composée d'une baignoire, d'un lavabo et d'un miroir, elle n'était éclairée par aucune lumière à part celle des bougies. Dans un coin de la pièce, un tas de serviettes salies et de produis de douches bon marchés s'entassait, n'attendant que d'être utilisés. L'homme attrapa un pain de savon ainsi qu'une veille brosse puis s'empressa de remplir la baignoire d'eau, soulevant difficilement l'imposante bassine de bois qui servait à remplir la cuve.

Une fois ses allers-retours pénibles achevés, le géant prit son courage à deux mains avant de poser un pied dans l'eau glaciale. Un frisson parcourut aussitôt sa longue jambe poilues, lui provoquant un râle de protestation. Il songea avec regret aux bains de son maître, où l'eau était toujours chauffée et recouverte d'un voile mousseux aux senteurs de lilas. Dépassant son envie de s'enfuir, il entra complètement dans la baignoire, poussants de petits cris une fois sa peau en contact avec le liquide. Il avait la sensation que des milliers d'aiguilles piquaient son épiderme tant le froid était vif.

Ne traînant pas, il s'empressa d'enduire son corps de savon, frottant énergiquement la substance pour faire disparaître toute trace ou odeur dérangeante. Les invités de Monsieur Biggles étaient importants, il ne fallait donc pas lésiner sur tout ce qui touchait à l'apparence, au grand dam de Grulish. Murmurant quelques protestations enfantines, il sortit de la baignoire pour s'envelopper dans un drap en lin, le seul ne comportant aucune tâche de graisse. Frissonnant sous les caresses glaciales de l'air ambiant, l'homme s'empressa de se sécher puis se dirigea vers ses vêtements, les enfilant à toute vitesse.

Une fois sa toilette terminée, il se dirigea vers sa chambre située dans la cave, près du chauffe-eau. Ouvrant la petite porte branlante, il retrouva la douce chaleur de la pièce, savourant cette sensation paradisiaque. S'arrêtant quelques minutes pour profiter du moment il se dirigea ensuite vers l'armoire, posée contre le mur droit de la pièce puis l'ouvrit d'un geste vif. Dedans pendaient nonchalamment quelques chemises et manteaux, les tiroirs quant à eux, recelaient de pantalons et de sous vêtements usés. Habitué à la marche à suivre lorsque son maître recevait des invités, il s'empara d'une longue veste fuchsia, ornées de boutons sombres et de fourrure rêche. Il l'enfila par-dessus son linge puis se vêtit d'un pantalon de velours brun. Pour compléter le tout, il camoufla son visage à l'aide d'un imposant chapeau de type cow-boy, assortit à son blouson.

La valeur des apparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant